Acheté par le musée ethnographique du Donjon en 1992 à M. Lorrain, bijoutier niortais installé place Chanzy, l'atelier comprend des centaines de pièces dont une série de mille matrices en acier issues d'ateliers parisiens spécialisés. Les utilisateurs de ces outils sont les orfèvres des ateliers Quantin et Quantin-Aubineau, maison spécialisée dans la fabrication de bijoux régionaux.
Né en 1815 à Cholet et mort en 1868 à Niort, Charles Victor-Symphorien Quantin fonde par son mariage avec Marie Ursule Aubineau la maison Quantin-Aubineau, située au n°31 route de Paris à Niort. Les ateliers sont mentionnés en 1858, dans les annuaires de la ville, mais le nom de Quantin est cité, dès 1849, dans les registres de maîtres orfèvres. Charles et Marie Quantin ont deux fils, Alfred et Jean-Henri, tous les deux bijoutiers. En 1868, après le décès de son père, Jean-Henri (Niort, 1848 - Niort, 1914), poursuit l'activité de la maison place Chanzy et avenue Paris. Il apparaît régulièrement dans les registres entre 1876 et 1906. En 1876, son frère Alfred Quantin, (Chatillon-sur-Sèvre, 1843 - Niort, 1905) reprend lui aussi l'activité de la fabrique de bijouterie familiale à la mort de Charles et installe un atelier rue de la gare. Marie Quantin quant à elle, est indiquée en 1881 comme poursuivant l'activité. L'histoire de cet atelier familial montre bien que la profession d'orfèvre est très souvent exercée de père en fils et que des alliances se nouaient entre personnes de même métier.
L'affaire des Quantin-Aubineau est ensuite revendue aux associés Bonamy et Levrier qui la céderont en 1925 à Henri Fromantin, beau-frère de Gabriel Bonamy et dernier fabricant de bijoux traditionnels à Niort, dont M. Lorrain est le successeur.
Tel qu'il nous est parvenu, l'atelier date donc du XIXe siècle et certaines pièces sont venues compléter l'ensemble au XXe siècle pendant l'activité d'Henri Fromentin. L'outillage artisanal, composé de filières, de marteaux, de limes, de poinçons, de creusets ou autres bouterolles est comparable à n'importe quel atelier d'orfèvre et notamment à celui de Sanxay, acheté par les musées de Poitiers en 1964 et dont certaines pièces remontent au XVIIIe siècle. L'utilisation de ces mêmes outils sur plusieurs décennies prouve la permanence des gestes et des techniques.
Outre ces outils spécifiques au travail de mise en forme et d'assemblage, des machines telles que la presse à balancier, le laminoir et le banc à étirer nous sont parvenues comme le mobilier de l'atelier composé de l'établi, de plusieurs tabourets carrés, de tabliers en peau pour recueillir la limaille, ou encore des caillebotis fixés au sol.
L'atelier de Niort se distingue néanmoins par la présence de plusieurs modèles de crochets à ciseaux, et de plusieurs centaines de matrices destinées à fabriquer des bijoux populaires.
Le costume traditionnel, ses accessoires et les coiffes poitevines disparaissent après la Première Guerre Mondiale et sont remplacés par les vêtements issus des premières lignes de magasins ouverts dans les chefs lieu de départements. La tradition populaire recule progressivement face à une généralisation des pratiques qui fait disparaître certains savoir-faire.
À partir des années 1920, les bijoux traditionnels ne se vendent plus, hormis quelques modèles tels que la croix Jeannette, les bagues Foi et les cœurs vendéens. L'atelier désormais dirigé par Henri Fromantin adapte alors son activité à l'essor du tourisme et reconvertit sa production vers les épinglettes et les bijoux-souvenirs de fabrication soignée, en argent ou métal argenté.
Beau-frère de Gabriel Bonamy, fabricant de médailles à Lourdes, Fromantin fabrique des articles pour toutes les régions, villes touristiques et stations balnéaires en répondant ainsi à une nouvelle demande liée au souvenir de la région visitée.
Le sens du bijou dit « régional » évolue et sa fonction d'ornementation et de décoration prime désormais sur son rôle social et symbolique.
De Charles Quantin à Henri Fromantin, l'histoire de l'atelier de l'ancienne maison Quantin-Aubineau reflète une importante transformation de la production, conséquence des profondes mutations sociales du début du XXe siècle.