Les Quantin-Aubineau, orfèvres en la matière

 
 
 
 
 
 

Acheté par le musée ethnographique du Donjon en 1992 à M. Lorrain, bijoutier niortais installé place Chanzy, l'atelier comprend des centaines de pièces dont une série de mille matrices en acier issues d'ateliers parisiens spécialisés. Les utilisateurs de ces outils sont les orfèvres des ateliers Quantin et Quantin-Aubineau, maison spécialisée dans la fabrication de bijoux régionaux.

Vue de l Vue de l'atelier Lorrain à Niort Vue de l'atelier Lorrain à Niort Photo réalisée lors de la collecte de l'atelier en 1992
Niort, musée Bernard d'Agesci
Vers la mention légale de cette photographie
 
Vue de l Vue de l'atelier Lorrain à Niort Vue de l'atelier Lorrain à Niort Photo réalisée lors de la collecte de l'atelier en 1992
Niort, musée Bernard d'Agesci
Vers la mention légale de cette photographie
 
Poinçon du maître orfèvre Charles Quantin Poinçon du maître orfèvre Charles Quantin Poinçon du maître orfèvre Charles Quantin Poinçon sur une agrafe de mante en argent repoussé, ciselé, gravé et ajouré, L. 15,4 x l. 7,2 x L. 7,9, XIXe siècle, inv. 958.1.1 (1et2)
Niort, musée Bernard d'Agesci
Fiche de cette agrafe de mante Détail du poinçon
 

Né en 1815 à Cholet et mort en 1868 à Niort, Charles Victor-Symphorien Quantin fonde par son mariage avec Marie Ursule Aubineau la maison Quantin-Aubineau, située au n°31 route de Paris à Niort. Les ateliers sont mentionnés en 1858, dans les annuaires de la ville, mais le nom de Quantin est cité, dès 1849, dans les registres de maîtres orfèvres. Charles et Marie Quantin ont deux fils, Alfred et Jean-Henri, tous les deux bijoutiers. En 1868, après le décès de son père, Jean-Henri (Niort, 1848 - Niort, 1914), poursuit l'activité de la maison place Chanzy et avenue Paris. Il apparaît régulièrement dans les registres entre 1876 et 1906. En 1876, son frère Alfred Quantin, (Chatillon-sur-Sèvre, 1843 - Niort, 1905) reprend lui aussi l'activité de la fabrique de bijouterie familiale à la mort de Charles et installe un atelier rue de la gare. Marie Quantin quant à elle, est indiquée en 1881 comme poursuivant l'activité. L'histoire de cet atelier familial montre bien que la profession d'orfèvre est très souvent exercée de père en fils et que des alliances se nouaient entre personnes de même métier.

L'affaire des Quantin-Aubineau est ensuite revendue aux associés Bonamy et Levrier qui la céderont en 1925 à Henri Fromantin, beau-frère de Gabriel Bonamy et dernier fabricant de bijoux traditionnels à Niort, dont M. Lorrain est le successeur.

Tel qu'il nous est parvenu, l'atelier date donc du XIXe siècle et certaines pièces sont venues compléter l'ensemble au XXe siècle pendant l'activité d'Henri Fromentin. L'outillage artisanal, composé de filières, de marteaux, de limes, de poinçons, de creusets ou autres bouterolles est comparable à n'importe quel atelier d'orfèvre et notamment à celui de Sanxay, acheté par les musées de Poitiers en 1964 et dont certaines pièces remontent au XVIIIe siècle. L'utilisation de ces mêmes outils sur plusieurs décennies prouve la permanence des gestes et des techniques.

Outre ces outils spécifiques au travail de mise en forme et d'assemblage, des machines telles que la presse à balancier, le laminoir et le banc à étirer nous sont parvenues comme le mobilier de l'atelier composé de l'établi, de plusieurs tabourets carrés, de tabliers en peau pour recueillir la limaille, ou encore des caillebotis fixés au sol.

Outils d’orfèvres Outils d’orfèvres Outils d’orfèvres Outils d’orfèvres issus de l’atelier Lorrain mais probablement déjà présents dans l’atelier Fromantin, 2e moitié du XIXe siècle et 1e moitié du XXe siècle.
Niort, musée Bernard d'Agesci
Parmi ces outils, une pince à étirer, une filière, un dé à emboutir, deux bouterolles, un compas, deux pinces, un tiers-point, une lime, un maillet et un marteau.
Fiche de la photographie
 

L'atelier de Niort se distingue néanmoins par la présence de plusieurs modèles de crochets à ciseaux, et de plusieurs centaines de matrices destinées à fabriquer des bijoux populaires.

Modèles de crochets à ciseaux Modèles de crochets à ciseaux Modèles de crochets à ciseaux Modèles de crochets à ciseaux issus de l’atelier Lorrain mais déjà présents au XIXe siècle dans les ateliers Quantin-Aubineau, Niort, musée Bernard d’Agesci. Fiche de la photographie  
Matrices en acier Matrices en acier Matrices en acier Matrices en acier issues de l’atelier Lorrain mais déjà présentes au XIXe siècle dans les ateliers Quantin-Aubineau, Niort, musée Bernard d’Agesci. Fiche de la photographie  
Matrices en acier Matrices en acier Matrices en acier Matrices en acier issues de l’atelier Lorrain mais déjà présentes au XIXe siècle dans les ateliers Quantin-Aubineau, Niort, musée Bernard d’Agesci. Fiche de la photographie  

Le costume traditionnel, ses accessoires et les coiffes poitevines disparaissent après la Première Guerre Mondiale et sont remplacés par les vêtements issus des premières lignes de magasins ouverts dans les chefs lieu de départements. La tradition populaire recule progressivement face à une généralisation des pratiques qui fait disparaître certains savoir-faire.

Matrice d’applique Matrice d’applique Matrice d’applique Matrice d’applique représentant la façade du château de Blois destinée à fabriquer des bijoux souvenirs acier, gravure en creux, h. 3,7 x L. 5 x l. 4,2, 1e moitié du XXe siècle, atelier Lorrain, inv. 992.15.314
Niort, musée Bernard d'Agesci
Fiche de cette matrice d'applique
 
Matrice d’applique Matrice d’applique Matrice d’applique Matrice d’applique représentant la façade du château de Chambord destinée à fabriquer des bijoux souvenirs, acier, gravure en creux, h. 4 x L. 4,5 x l. 4,5, 1e moitié du XXe siècle, atelier Lorrain, inv. 992.15.299,
Niort, musée Bernard d'Agesci
Fiche de cette matrice d'applique
 

À partir des années 1920, les bijoux traditionnels ne se vendent plus, hormis quelques modèles tels que la croix Jeannette, les bagues Foi et les cœurs vendéens. L'atelier désormais dirigé par Henri Fromantin adapte alors son activité à l'essor du tourisme et reconvertit sa production vers les épinglettes et les bijoux-souvenirs de fabrication soignée, en argent ou métal argenté.

Beau-frère de Gabriel Bonamy, fabricant de médailles à Lourdes, Fromantin fabrique des articles pour toutes les régions, villes touristiques et stations balnéaires en répondant ainsi à une nouvelle demande liée au souvenir de la région visitée.

Le sens du bijou dit « régional » évolue et sa fonction d'ornementation et de décoration prime désormais sur son rôle social et symbolique.

De Charles Quantin à Henri Fromantin, l'histoire de l'atelier de l'ancienne maison Quantin-Aubineau reflète une importante transformation de la production, conséquence des profondes mutations sociales du début du XXe siècle.

Zoom sur :

La marmotte d'Henri Fromantin

Planches de bijoux souvenirs Planches de bijoux souvenirs Planches de bijoux souvenirs Planches de bijoux souvenirs issue de la marmotte d’Henri Fromantin, atelier Henri Fromantin, 1e moitié du XXe siècle
Niort, musée Bernard d’Agesci.
+ d'infos sur la 1ère planche + d'infos sur la 2ème planche + d'infos sur la 3ème planche
 

En 1992, le musée ethnographique du Donjon a reçu un don posthume d'Henri Fromantin, décédé un an plus tôt : le contenu intégral d'une marmotte réunissant tous les échantillons des modèles de ces bijoux-souvenirs, sorte de préfiguration du pin's, fabriqués dans son atelier.

La « marmotte » est la mallette du représentant en bijouterie, contenant des tiroirs ou présentoirs garnis de bijoux accompagnés de leur prix et de leur numéro de référence. Elle est en quelque sorte l'héritière du colporteur qui, sous l'Ancien Régime et au début du XIXe siècle, propose ses articles en se déplaçant de campagne en campagne.

La marmotte d'Henri Fromantin est composée de douze plateaux gainés de velours bleu sur lesquels sont présentés plusieurs centaines de modèles : des cendriers, des petites cuillères, la vendetta corse en modèle réduit, la médaille du curé d'Ars, de nombreux articles à l'effigie de Napoléon, des salamandres pour les châteaux de la Loire, des doubles cœurs vendéens, ou encore des blasons en souvenir des hauts lieux de la Grande Guerre.

Matrice Matrice Matrice Matrice d’applique représentant une hermine couronnée, acier, gravure en creux, h. 4,5 ; L. 5,6 ; l. 5,6, 1e moitié du XXe siècle, atelier Lorrain, inv. 992.15.444,
Niort, musée Bernard d’Agesci.
Vers la fiche de la matrice
 
Matrice Matrice Matrice Matrice d’applique représentant une salamandre couronnée, acier, gravure en creux, h. 3,5 ; L. 4,1 ; l. 4,1, 1e moitié du XXe siècle, atelier Lorrain, inv. 992.15.412,
Niort, musée Bernard d’Agesci.
Vers la fiche de la matrice
 
Planche de présentation Planche de présentation Planche de présentation Planche de présentation des productions des ateliers Henri Fromantin, 1e moitié du XXe siècle
Niort, musée Bernard d’Agesci.
Vers la fiche de cette planche
 

Tous ces articles sont diffusés sur l'ensemble du territoire dans les années 1930. Chaque région a ainsi son emblème, une épinglette ou un coupe-papier à son effigie. Beaucoup de ces bijoux d'un genre nouveau, destinés aux cravates des premiers touristes dont les congés sont désormais payés, sont sous-traités par des entreprises non niortaises qui fabriquent les différentes pièces moulées. Ces pièces sont ensuite assemblées et argentées dans les ateliers niortais. Néanmoins, certaines matrices issues de l'atelier d'Henri Fromantin prouvent que ce dernier fabrique lui aussi des éléments de décor estampés destinés à orner des bijoux-souvenirs.

Les dernières agrafes de mante, les crochets à ciseaux, les bagues Foi, les cœurs et les croix Jeannette, les épingles et boucles de chapeaux bretons se vendent encore entre-guerres. Outre la marmotte du représentant, Henri Fromantin a offert au musée de Niort une importante série de ces bijoux issus de son atelier. Les matrices servant au façonnage de ces agrafes de mante et croix Jeannette, dont Fromantin est l'un des plus importants fabricants français avant 1939, sont celles provenant des ateliers Quantin-Aubineau. Les modèles et décors de ces agrafes sont donc restés les mêmes du XIXe siècle à l'arrêt de leur fabrication, entre les deux guerres.

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Planche de bijoux souvenirs issue de la marmotte d’Henri Fromantin Planche de bijoux souvenirs issue de la marmotte d’Henri Fromantin Planche de bijoux souvenirs issue de la marmotte d’Henri Fromantin Planche de bijoux souvenirs issue de la marmotte d’Henri Fromantin, atelier Henri Fromantin, 1e moitié du XXe siècle, Niort, musée Bernard d’Agesci. Fiche de cette reproduction