Les panneaux de La Mothe-Saint-Héray

Détail du panneau A7 figurant l'arche de Noé

Illustrations

Détail du panneau E3 : Récrimination des scribes hébreux Détail du panneau B10 : Jésus sur les rives du lac de Tibériade Détail du panneau E10, David présente la tête de Goliath Détail du panneau B11 : Jonas (tempête)

Le programme

La définition de ce programme reste malgré tout très dépendante des sources iconographiques : on a choisi en effet de faire figurer à La Mothe-Saint-Héray trente-sept sujets bibliques tirés des Images et figures de la Bible, en laissant de côté les soixante autres, et on en a ajouté une trentaine. Ce sont donc ces derniers qui apportent les indices les plus significatifs quant au programme d'ensemble.

Les principales adjonctions vétérotestamentaires portent sur deux scènes de l'histoire de Joseph, dans la Genèse, quelques scènes de l'Exode, deux scènes de l'histoire de David, un épisode de celle de Samson, un autre de l'histoire d'Esther, la scène « d'Élie avec les corbeaux » et celles de l'histoire de Jonas. Dans le Nouveau Testament, on a abandonné, à trois exceptions près, tous les sujets illustrés dans les Images et figures de la Bible pour faire figurer des scènes du cycle de l'enfance et de la Passion, ainsi que l'Apparition du Christ à Tibériade.

Tout cela révèle d'abord une volonté de suppléer aux lacunes que présentait l'ouvrage, pour développer un cycle aussi complet que possible en équilibrant les illustrations de l'Ancien et du Nouveau Testament. Ainsi, l'ensemble de La Mothe-Saint-Héray correspond-il assez exactement aux cycles gravés du XVIe siècle et du premier tiers du XVIIe même si l'on tient compte des quelques panneaux non identifiés et de la disparition éventuelle de quelques autres. De ce point de vue, le terme de programme a sans doute quelque chose de trop ambitieux pour désigner le résultat d'une démarche de simple bon sens d'un propriétaire de château qui souhaitait faire décorer sa chapelle de scènes bibliques.

Cependant un tel souci d'illustrer tous les principaux épisodes de l'Ancien Testament rejoint une tendance caractéristique du protestantisme, qui est de chercher à restituer dans sa vérité historique tout l'itinéraire du peuple hébreu. Ce fond protestant ne peut qu'être confirmé par les « anomalies » qui ont été constatées à propos de la scène de l'Annonciation.

D'autre part, le choix de certains épisodes de l'Ancien Testament pourrait procéder d'un désir d'illustrer à travers eux certains événements politiques ou religieux, selon une tendance très répandue sous les règnes de Charles IX, Henri III et Henri IV. L'épisode concernant les scribes hébreux malmenés par Pharaon pendant l'Exode  est une scène pratiquement inconnue dans l'illustration biblique de l'époque ; sa présence à La Mothe-Saint-Héray pourrait, soit refléter le ressentiment d'un loyaliste vis-à-vis de l'ingérence espagnole dans la vie religieuse et politique de la France, soit dénoncer la répression subie par les protestants sous l'occupation espagnole des Pays-Bas.

De la même manière, il serait tentant de voir dans le choix du Triomphe de Mardochée et de la Pendaison d'Aman, de préférence à la scène beaucoup plus connue d'Esther agenouillée devant Assuérus, une autre allusion à un peuple opprimé pour ses croyances religieuses mais qui, grâce à son loyalisme envers le roi, triomphe des calomnies d'un haut dignitaire. Les images de David triomphant présentant la tête de Goliath à Saül (panneau 10, série E) et de Samson combattant le lion (panneau 11, série E), sont plus ambiguës : elles peuvent représenter le combat du jeune protestantisme contre le catholicisme romain, mais elles ont été utilisées tout aussi bien par le parti adverse, et on connaît maints exemples de décors d'entrées royales dans lesquels David incarne le personnage du roi 23(Note 23. C. Dumont en a fait la démonstration dans Francesco Salviati au palais Sachetti de Rome et la décoration murale italienne (1520-1360), Genève, 1973, pp. 211-228.). D'après ces quelques exemples, on peut supposer chez le commanditaire un souci d'actualiser certains épisodes de la Bible, mais l'ensemble du programme, tout en étant conforme dans ses grandes lignes à l'usage de l'époque, est incontestablement marqué par la religion réformée.


NOTES

23. C. Dumont en a fait la démonstration dans Francesco Salviati au palais Sachetti de Rome et la décoration murale italienne (1520-1360), Genève, 1973, pp. 211-228.

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