Les panneaux de La Mothe-Saint-Héray

Détail du panneau E5 figurant le serpent d'airain

Illustrations

Portrait d'ange à l'angle des panneaux Détail de fleur sur les frise des panneaux Détail des frises du panneau B : les initiales IHS Détail des frises du panneau B : les initiales MAR (pour Marie)

Introduction

Le Musée des beaux-arts de Niort possède un ensemble de boiseries peintes provenant de la chapelle du château de La Mothe-Saint-Héray, situé dans le département des Deux-Sèvres, à quelques kilomètres à l'est de la ville. Du château réaménagé au tout début du XVIIe siècle par Jean de Baudéan, qui l'avait acquis en 1604, il ne reste rien : il a été démoli et vendu pierre par pierre au milieu du XIXe siècle 1(Note 1 Les bâtiments que l'on voit encore actuellement sont ceux qui ont été construits par Henri de Baudéan à partir de 1634 à côté de « l'ancien château » ; ils sont donc sans rapports avec les boiseries de la chapelle étudiées ici.).

Les rares documents ou descriptions qui le concernent ne mentionnent jamais ces boiseries et permettent tout juste de localiser l'emplacement de la chapelle près de l'entrée principale du donjon et de présumer qu'elle occupait la hauteur de deux étages, avec une tribune qui donnait sur la chambre seigneuriale.

Les boiseries elles-mêmes ont été sauvées dans des circonstances assez confuses et données en 1842 au Musée de Niort ; elles y ont été conservées dans de mauvaises conditions au siècle dernier, ce qui a contribué à la dégradation de la peinture, notamment dans les panneaux des parties inférieures. Actuellement, ce cycle illustrant la Bible, qui n'est ni signé, ni daté, se présente sous la forme de cinq grandes séries regroupant douze ou seize panneaux, auxquelles s'ajoute une petite série de quatre panneaux. Ces soixante-seize panneaux de chêne de 52 x 35 centimètres en moyenne, sont reliés entre eux par un assemblage de traverses rainurées et chevillées. Une septième série, non exposée en raison de son très mauvais état de conservation, comprenait huit panneaux, ce qui portait l'ensemble à quatre-vingt-quatre panneaux lors de son entrée au musée.

Il est possible qu'il y ait eu quelques panneaux supplémentaires à l'origine, mais les constatations que l'on peut faire sur les encadrements, entre autres arguments, permettent de déduire que, si pertes il y a eu, elles ont été minimes. Les montages et démontages successifs ont altéré l'ordre de ces panneaux, sauf pour les deux séries illustrant la Genèse où ils se succèdent encore logiquement ; la disposition actuelle de ces séries est donc arbitraire, de même que la désignation qui en a été faite pour la commodité de ce travail (de la lettre A à la lettre G), telle que la reproduit la présentation (cliquez ici) 2(Note 2. Dans ce schéma, on a rétabli autant que possible l'ordre des séries en se fondant sur la suite logique des scènes de la Bible, après identification de celles-ci ; c'est-à-dire que la série C vient à la suite de la série A, l'ensemble illustrant la Genèse, puis la série E et F étaient consacrées aux autres livres de l'Ancien Testament, mais l'ordre des panneaux dans ces deux séries a été bousculé et certains ne devaient même pas s'y trouver à l'origine ; la petite série D se trouvait sans doute à la suite de la série F, peut-être coupée de celle-ci par l'emplacement d'une porte ; la série B, réservée au Nouveau Testament, était probablement à part et formait peut-être un ensemble avec la série G (non exposée).). Sur l'initiative de Christian Gendron, le conservateur actuel des Musées de Niort, ces panneaux ont été nettoyés et consolidés 3(Note 3. M. Gendron, que je tiens à remercier ici du soutien qu'il m'a apporté au cours de ce travail, a également fait analyser la matière picturale par le Laboratoire de recherche des Musées de France ; il en ressort essentiellement les constatations suivantes : une faiblesse de la couche préparatoire, un liant à base d'huile, une impureté des pigments et une certaine pauvreté de moyens en général.).

La décoration peinte sur les encadrements pourrait faire l'objet d'une autre étude. Elle ne sera pas abordée ici ; mais il faut mentionner, pour la compréhension de l'ensemble, que ce décor est fait principalement de fleurs (tulipes, roses, iris, lys, fritillaires, anémones) qui sont associées à des palmes et des rubans, le tout se détachant en couleurs vives sur un fond gris-blanc. Des têtes de putti et des cartouches portant les inscriptions « IHS » et « MAR » (« Marie ») accompagnent ce décor dans la série B qui regroupe des scènes du Nouveau Testament. Sur les intersections de ces traverses, des monogrammes couleur or ont été systématiquement grattés 4(Note 4. Des traces plus visibles de ce monogramme se trouvent encore sur la série C ; il nous est restitué d'autre part dans un dessin d'A. Bouneault, conservé à la Bibliothèque municipale de Niort, n° 827 du Répertoire d'A. Farault, Niort, 1915.) ; ils représentaient un « H » et deux « C » entrelacés, désignant ainsi Henri de Baudéan (qui a succédé à son père, Jean, décédé en 1631) et Catherine de Pardaillan d'Armagnac, son épouse ; la couronne qui surmonte ce monogramme est celle du marquisat qui a été conféré à la terre de La Mothe-Saint-Héray en 1633 5(Note 5. Sur la terre et les seigneurs de La Mothe-Saint-Héray et sur la famille Baudéan-Parabère, les principales sources d'information sont données par le Dr. Prouhet, Les seigneurs, le château, la terre de La Mothe-Saint-Héray, Paris, 1906.). On a pu considérer, pour cette raison, qu'Henri de Baudéan avait été le commanditaire de ces boiseries et les dater de 1633 environ. Mais ces monogrammes auraient pu être ajoutés après l'exécution des panneaux historiés et du décor des encadrements lui-même ; d'ailleurs des repeints et un décor sous-jacent apparaissent en maints endroits sur ces encadrements dont certaines parties, comme la corniche, ont été manifestement refaites au XIXe siècle.

Le court article d'H. Clouzot, qui a été jusqu'à présent la seule recherche effectuée sur ces boiseries, faisait état de cette supposition ; il proposait en outre un rapprochement avec les gravures du peintre flamand Hans Bol, ainsi qu'une hypothèse sur le nom du peintre de ces panneaux, un certain Corneille Simoënsüene. H. Clouzot se fondait pour cela sur la présence de ce peintre à Fontenay-le-Comte (situé à une trentaine de kilomètres de Niort), révélée par un contrat d'apprentissage daté de 1632 6(Note 6. Voir l'article de H. Clouzot, « Les boiseries de la chapelle de La Mothe-Saint-Héray », Revue de l'art chrétien, janvier février 1913, LXIII, pp. 35-37. Le contrat qu'il mentionne a été découvert par B. Fillon qui l'a publié dans « Lettre à M. Octave de Rochebrune sur divers documents artistiques relatifs à l'église Notre-Dame de Fontenay-le-Comte », Revue des provinces de l'Ouest, 1ière année, 1853, pp. 119-120 ; ce contrat apprend seulement la présence de ce peintre originaire du « pays de Flandres » dans la région de Fontenay-le-Comte en 1632. D'autre part, H. Clouzot, dans cet article, n'a pas cherché à identifier les scènes peintes sur ces panneaux ; il se contente de signaler quelques scènes très connues de la Genèse, comme tous les auteurs qui font mention de ces boiseries.). L'existence et les œuvres de ce peintre sont par ailleurs inconnues.


NOTES

1. Les bâtiments que l'on voit encore actuellement sont ceux qui ont été construits par Henri de Baudéan à partir de 1634 à côté de « l'ancien château » ; ils sont donc sans rapports avec les boiseries de la chapelle étudiées ici.

2. Dans ce schéma, on a rétabli autant que possible l'ordre des séries en se fondant sur la suite logique des scènes de la Bible, après identification de celles-ci ; c'est-à-dire que la série C vient à la suite de la série A, l'ensemble illustrant la Genèse, puis la série E et F étaient consacrées aux autres livres de l'Ancien Testament, mais l'ordre des panneaux dans ces deux séries a été bousculé et certains ne devaient même pas s'y trouver à l'origine ; la petite série D se trouvait sans doute à la suite de la série F, peut-être coupée de celle-ci par l'emplacement d'une porte ; la série B, réservée au Nouveau Testament, était probablement à part et formait peut-être un ensemble avec la série G (non exposée).

3. M. Gendron, que je tiens à remercier ici du soutien qu'il m'a apporté au cours de ce travail, a également fait analyser la matière picturale par le Laboratoire de recherche des Musées de France ; il en ressort essentiellement les constatations suivantes : une faiblesse de la couche préparatoire, un liant à base d'huile, une impureté des pigments et une certaine pauvreté de moyens en général.

4. Des traces plus visibles de ce monogramme se trouvent encore sur la série C ; il nous est restitué d'autre part dans un dessin d'A. Bouneault, conservé à la Bibliothèque municipale de Niort, n° 827 du Répertoire d'A. Farault, Niort, 1915.

5. Sur la terre et les seigneurs de La Mothe-Saint-Héray et sur la famille Baudéan-Parabère, les principales sources d'information sont données par le Dr. Prouhet, Les seigneurs, le château, la terre de La Mothe-Saint-Héray, Paris, 1906.

6. Voir l'article de H. Clouzot, « Les boiseries de la chapelle de La Mothe-Saint-Héray », Revue de l'art chrétien, janvier février 1913, LXIII, pp. 35-37. Le contrat qu'il mentionne a été découvert par B. Fillon qui l'a publié dans « Lettre à M. Octave de Rochebrune sur divers documents artistiques relatifs à l'église Notre-Dame de Fontenay-le-Comte », Revue des provinces de l'Ouest, 1ière année, 1853, pp. 119-120 ; ce contrat apprend seulement la présence de ce peintre originaire du « pays de Flandres » dans la région de Fontenay-le-Comte en 1632. D'autre part, H. Clouzot, dans cet article, n'a pas cherché à identifier les scènes peintes sur ces panneaux ; il se contente de signaler quelques scènes très connues de la Genèse, comme tous les auteurs qui font mention de ces boiseries.

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