Un projet de trente années
Curtis, laisse son studio de Seattle à la gestion de ses assistants, et autofinance ses premiers déplacements grâce à la vente de tirages sur les lieux même des prises de vue. Il participe également à diverses publications.
À la différence de ses prédécesseurs partis photographier des territoires, cartographier les terres sauvages, rencontrant et portraiturant les Indiens à l'occasion, E. Curtis a pour démarche principale d’aller à leur rencontre. Il multiplie les voyages pour les approcher et convaincre les membres des différentes tribus de poser devant la caméra et d’accepter de livrer le témoignage de leurs vies et de leurs cultures.
Entre 1901 et 1906, il voyage à la rencontre des Indiens de la côte Nord-Ouest, du Sud-Ouest et des Grandes Plaines. En 1903, il présente sa première exposition, dans son propre studio, en annonçant gravement « les dernières images des Mohaves, des Zunis, des Supias et des Apaches ».
Du début du siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale, il profite du pic d'intérêt manifesté par l'opinion publique à l'égard des Indiens. Les portraits photographiques les figurant sont alors recherchés des collectionneurs.
Ses premières expositions organisées sur la côte Est, à New York, en 1905 rencontrent un véritable succès et il est remarqué par le président Roosevelt. Cet appui prestigieux, mis en avant dans ses ouvrages, lui permet d’obtenir en 1906, le patronage de John Pierpont Morgan, l’un des banquiers les plus influents et les plus fortunés de New York. Pour un montant de 15 000 $ par an pour une durée de cinq années, Curtis peut se lancer dans la réalisation de son projet en contrepartie de l’obligation de céder 25 exemplaires de la collection complète et 500 tirages originaux à J.P. Morgan.
Sous sa seule autorité, il constitue une équipe d’une quinzaine de personnes composée d’assistants de prises de vue, de sténographes et de traducteurs et se lance complètement dans son projet en évaluant la durée de réalisation à une dizaine d'années (prises de vue et publications comprises).
Mais dès 1907, sa recherche de contributeurs et de souscripteurs est sérieusement mise à mal par la panique bancaire américaine qui plonge le pays en récession. Il perd peu à peu le contrôle financier de son projet. La crise boursière et le rapide désintérêt du public sont responsables d’une partie de ses problèmes. Mais, pour une large part, la démesure de Curtis est aussi à considérer : l’importante équipe dédiée au projet grevait fortement le budget et les coûts de fabrication de la luxueuse collection d'héliogravures ont sévèrement impacté l'équilibre financier du projet.