Les premiers daguerréotypes prenant les Amérindiens pour sujet sont contemporains de la conquête de l’Ouest débutée en 1840 et achevée en 1890 soit peu de temps avant les premières prises de vue du début du projet de Curtis.
Cette production présentait la plupart du temps des portraits, en pied ou de groupe, réalisés en studio ou lors d’expositions et de spectacles. Cette production effectuée par et pour des Occidentaux alimentait les fantasmes de ces derniers, fascinés par une culture radicalement différente ou bien révulsés par des mœurs jugées barbares et devant disparaître.
La réalité était toute autre : la plupart des Indiens approchés portaient déjà les marques d’une occidentalisation (par les vêtements portés, l’utilisation d’objets, etc.). Il convient de rappeler d’ailleurs que la culture du cheval si importante chez les Indiens des Grandes Plaines était déjà en soi la marque de l’intervention des Blancs – les colons espagnols – sur les peuples indigènes. L’Amérindien d’avant, celui qui ne portait aucune trace d’altération de son mode de vie au contact des Occidentaux avait disparu depuis longtemps.
Quand bien même, les photographes de l’époque ne s’embarrassaient pas avec la réalité qu’ils maquillaient sans état d’âme au profit d’une recherche de pittoresque ou, à l’opposé, d’un vrai travail de propagande justifiant la brutalité de la répression infligée aux Indiens.
Soucieux de composer un tableau fidèle à sa vision romantique et pastorale, Curtis n’échappe pas à cette tentation de la mise en scène, de la retouche, n’hésitant pas à payer fréquemment pour obtenir la pose des sujets ou à utiliser divers accessoires rapportés ou perruques pour corriger et masquer les traces visibles d'occidentalisation des Indiens portraiturés.
… Et, surtout, aucune de ces images ne comporterait quoi que ce fût qui présagerait la civilisation, que ce soit un détail vestimentaire, le paysage ou un objet sur le sol. Ces portraits devraient être des transcriptions pour les générations futures, afin qu’elles puissent voir l’Indien de façon aussi réaliste que possible, tel qu’il vivait avant de voir un Visage pâle… (E. S. Curtis)