Le théâtre d’ombres du Chat Noir

Le cabaret devient un lieu privilégié où se réunit la bohême montmartroise. Tous les vendredis après-midi, des peintres, des poètes et des musiciens se retrouvent pour chanter et entendre des récitations en vers. C’est lors d’une de ces séances littéraires et suite à une plaisanterie qu’est né fortuitement le célèbre théâtre d’ombres. En décembre 1885, Henri Somm animait certaines de ces réunions d’une pièce de sa composition, La Berline de L’Émigré. Il avait fait construire pour l’occasion un petit castelet dans l’angle de la salle auquel il avait accolé un piano, ce qui lui permettait d’exécuter sa représentation.

Une soirée au cabaret Vue de la salle du castelet tirée du catalogue de la vente Salis à l'hôtle Drouot en 1898.
Voir la fiche de l'objet

Un soir de spectacle, Jules Jouy et Henri Rivière décident d’amuser l’auditoire derrière le castelet. Ils tendent une serviette dans l’ouverture et font défiler en ombres chinoises des sergents de ville découpés dans du carton. Rodolphe Salis comprend tout de suite qu’il peut tirer un parti intéressant de cette initiative et demande à Henri Rivière d’en perfectionner le procédé. Ils ne savent pas encore qu’ils s’engagent dans une aventure de douze ans, pendant laquelle ils produiront une quarantaine de pièces dont la qualité et la technicité ne cessent d’évoluer.

Le simple castelet est très vite remplacé par un véritable théâtre au sens premier du terme, contenant des coulisses et des cintres qui se dressent suspendus au dessus du vide dans une construction en bois bâtie en porte-à-faux érigée au dos du cabaret. L’écran sur lequel sont projetées les pièces mesure un mètre de long par quatre-vingt-dix-huit centimètres de haut. Il est éclairé par un chalumeau oxhydrique placé au fond des coulisses et les silhouettes, initialement découpées dans du carton, sont très vite réalisées dans des plaques de zinc beaucoup plus résistantes. Dès 1887 les coulisses et l’écran sont agrandis, un orgue et du matériel de bruitage sont installés pour renforcer les spectacles. À la mort de Salis, en 1897, les pièces du Chat Noir ont été jouées à Paris mais aussi en province et à l’étranger lors des tournées européennes du cabaret.

Une soirée au cabaret Rodolphe Salis bonimenteur de l'Épopée
Voir la fiche de l'objet