AU-DELA DU NOIR
Retour sur une exposition

30 avril au 29 août 2010, musée Saintes-Croix, Poitiers

Sommaire

Entretien avec Jean-Pierre Potier (20 mai 2010 au musée Sainte-Croix de Poitiers)

Vue de l'exposition le jour du vernissage

Pouvez-vous nous parler de votre production précédente et de la démarche qui vous  a conduit aux dessins présentés dans l’exposition « Au-delà du noir » ?

Depuis très longtemps je travaille sur l’univers urbain... les mégapoles, en particulier sur des villes qui sont situées au bord de la mer ou au bord d’un fleuve, qui sont ouvertes, où il y a un brassage de gens.  J’ai peint des villes américaines, d’Afrique du Nord, d’Asie, de Chine notamment… J’ai traité ce thème jusqu’en 2009.

Après avoir séjourné en Chine, je suis resté près de deux ans à Paris avant de m’installer à Poitiers où je réside toujours aujourd’hui…

Là, mon œil a été retenu par la présence des silos, structures urbaines dans la campagne, parmi les plaines . Au départ, leur vue des  me dérangeait, je les voyais comme des verrues incongrues se détachant dans le paysage. De par leur nombre important dans la région – à  force d’en voir – je m’en suis approché par curiosité et, finalement, ces architectures étranges m’ont intéressé. Petit à petit, je me suis laissé prendre par ces constructions qui tiennent du château fort ou de la cathédrale et de découverte en découverte, je me suis passionné pour les silos.


Quels ont été vos choix techniques pour réaliser vos dessins ?

Sur cette série, j'ai repris le même support que j'utilise depuis 1997, le drop paper  matériau absorbant et très diffusant qui permet entre autre d'obtenir des flous, des éléments diffus,  cela constitue un élément important de mon travail : les visuels en apparitions ou en  disparitions.

Qu'est-ce que le drop paper ?

C'est un matériau composite industriel, un « non tissé », mélange de papier et de fibres de verre,  qui sert à faire des parois de stand, des plafonds, des voiles dans les salons et expositions. Il sert aussi dans les musées, pour réaliser les grandes bannières car il existe en très grand format ce qui justement m'intéressait. C'est aussi un support qui fixe bien en profondeur la peinture, le crayon ou le fusain.


Il n'y a pas de droit au repentir ?

Ah non, c'est un des inconvénients, tout tracé ou touche de peinture ne peux s’effacer. Mais ce support a aussi des qualités, il accroche bien la lumière même s’il n'est pas facile à travailler, ça fait déjà un certain temps que j'affine mes techniques sur ce support.
Quand j'ai commencé à faire mes premiers travaux sur les silos, je travaillais essentiellement à la pierre noire et à l'acrylique. Je me suis aperçu que cette dernière ne convenait pas, que je n'obtenais pas des noirs suffisamment denses. Je voulais travailler en noir et blanc très marqués, me détacher du travail d’« apparitions-disparitions » de mes séries précédentes au profit d'un travail plus défini, qui corresponde justement à ces architectures très structurées (marquées). J'étais donc obligé d'avoir des choses plus rigoureuses, avec l'acrylique cela se diffusait trop, j'ai donc choisi le fusain que je n'avais pas vraiment utilisé auparavant, hormis lors de mes études aux  Beaux-Arts pour des croquis de nus.


Vous avez travaillé au fusain et à la pierre noire...

Oui, la pierre noire qui est un minéral pour les tracés plus précis car elle peut se tailler pour obtenir des finesses de trait. Le fusain est utilisé pour les grands aplats et les tracés épais. C'est le fusain qui me permet d'obtenir de très beaux noirs veloutés et mats.

Cet aspect  « velours » s'obtient par l'application du fusain sur le drop paper,  par un effet mécanique abrasif  de l’application du carbone sur ce type de support ?

C'est le mélange du fusain et du drop paper. Ce dernier, en absorbant et en fixant les passages successifs du fusain, permet, par sa charge, d'obtenir ce velouté  et cette intensité du noir. C'est une très belle matière...