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Les productions céramiques saintaises

Une technique spécifique : « la faïence de grand feu »

Toutes les manufactures de faïence de Saintes n'ont pratiqué que la technique du grand feu. Après une première cuisson des pièces au dégourdi (on obtient un biscuit), on procède à l'émaillage. « La base de l'émail stannifère est la calcine, mélange d'oxyde de plomb qui sert de fondant (généralement 80%) et d'oxyde d'étain (20%) qui joue le rôle d'opacifiant (le blanc). Les proportions de ces ingrédients peuvent varier considérablement selon les recettes. » (Jean ROSEN – « La faïence en France du XIVe au XIXe siècle - Histoire et Technique » - p 38).

Dans l'inventaire de Jacques Crouzat de 1742, on mentionne « 600 livres de plomb en rame »; quant à l'étain utilisé, il n'en est fait aucune mention.
Dans l'inventaire de la communauté de Claude Viard et Catherine Potut de 1760, il est mentionné que « s'est aussy trouvé dans ledit cabinet des plats et assiettes d'étain que ledit Sieur Viard destine pour être fondus et luy servir dans son métier, du nombre de cinquante livres de pois... a raison de 14 sols la livre... 35 livres. »

Dans l'inventaire de la faïencerie Rougé de 1781, on mentionne 88 livres d' « étein en vaisselle » et 21 livres d' « étein fin » ; dans cette manufacture, l'étain en vaisselle était sans doute plus utilisé que l'étain fin.
L'inconvénient est que ces productions ont un émail souvent lourd, épais et faïencé (craquelé), jamais blanc et brillant, ce qui est sans doute dû à la mauvaise qualité de l'étain récupéré et refondu. Ces défauts de l'émail peuvent également être dus à un problème de fusibilité, ou à des pièces sorties du four avant un complet refroidissement. On mélange ensuite à la calcine du sable quartzeux, d'origine locale pour nos faïenceries, auquel on ajoute des fondants, de la soude ou du sel marin. Ce mélange est fondu, puis finement broyé dans des meules : les moulins à émail sont activés soit par un animal (cheval), soit par un homme, ce qui est le cas dans la manufacture Crouzat où sont mentionnés « 4 moulins à bras pour le blanc ».
Le biscuit est ensuite trempé dans l'émail liquide ; cette opération est délicate, car une couche trop mince fait transparaître le biscuit, et un excès d'épaisseur provoque des coulures, ce que nous remarquons couramment dans les productions saintaises. Ensuite on réalise le décor au pinceau sur l'émail non cuit.

Les oxydes métalliques utilisés doivent avoir des qualités particulières compatibles avec l'émail et dont la température de fusion est voisine de celui-ci, afin d'éviter des accidents lors de la cuisson. Les couleurs utilisées pour le grand feu sont peu nombreuses.

  • Le bleu de cobalt (ou safre dans les inventaires), est la couleur la plus utilisée jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, souvent en camaïeu.
  • Le peroxyde de manganèse, dont la couleur peut varier du mauve au brun très foncé proche du noir a presque toujours été utilisé pour chatironner (tracer les contours) des motifs sur les faïences saintaises aux XVIIIe et XIXe siècles ; le trait est relativement fin et précis. Le manganèse peut même être employé seul, comme dans les pièces en « camaïeu manganèse ».
  • Le vert est obtenu à partir du protoxyde de cuivre, qui a l'inconvénient de fuser dans l'émail ; il ne semble pas avoir été utilisé sur les faïences saintaises au XIXe siècle, où l'on a sans doute utilisé un mélange de bleu et de jaune, dont on retrouve des nuances assez variables, allant du bleu-vert ou du gris-vert foncé au vert mousse plus ou moins lumineux.
  • L'oxyde d'antimoine permet d'obtenir des dégradés allant du jaune pâle au jaune orangé foncé. Cet oxyde très toxique a été utilisé dans les productions saintaises.
  • Le rouge de fer, dont la cuisson est très délicate, est presque toujours mal cuit dans la plupart des fabriques, excepté à Rouen, Delft et Sinceny. Il est employé en traits fins, non en plein, avec un aspect mat, presque brun sur certaines pièces ; trop cuit il peut disparaître. Une des fabriques saintaises, indéterminée, l'aurait peut-être utilisé au XVIIIe siècle et au début du XIXe, sans preuve sûre.

Plus tardivement vers 1830, quelques pièces sont attribuables à Saintes, notamment une assiette au décor à l'œillet peint en plein au rouge de Thiviers, et dont la cuisson est assez réussie. On connaît le même modèle avec un œillet peint au bleu de cobalt dont plusieurs variantes existent au niveau de l'aile de l'assiette.