SINE QUA NON
Retour sur une exposition

7 juillet au 31 octobre 2010, musée Bernard d'Agesci, Niort

Œuvres présentées

David Delesalle - Finesse et démesure
par Christian Gendron
conservateur en chef des musées de Niort

Vue de l'exposition, "Wagon F" - "Girafe"Vue de l'exposition, la série des Playmobil
 

La gravure nous a habitués à un vocabulaire où l’intimité, la finesse, voire le minuscule étaient jusqu’à aujourd’hui le quotidien de l’amateur d’estampes qui pouvait enfermer ses trésors dans les volets de ses cartons à dessins.

Le colporteur lui-même qui fut souvent le diffuseur et promoteur de ces œuvres, pouvait se charger - si l’on peut dire - de leur transport, d’un pays à l’autre, et sans encombres. Populaires à souhait avec les xylographies de la fin du Moyen-âge puis d’Épinal, ou destinées à une clientèle d’amateurs savants et cultivés de Dürer, Callot et Rembrandt, les gravures aux techniques les plus élaborées, eaux-fortes, burins, manière-noire, entre autres, obligèrent les artistes à se conformer le plus souvent à des formats « raisonnables » voire normalisés. Du timbre-poste de Gandon aux lithographies de Toulouse-Lautrec, ce sont des mondes de différences, techniques et artistiques, qui sous-tendent des talents très divers, même si la lithographie qui produisit tant de belles œuvres, n’est pas véritablement une technique de gravure si l’on comprend dans l’acception du terme seulement la taille-douce, celle qui élimine les copeaux du cuivre, du bois ou de l’acier pour y loger l’encre ou qui laisse l’eau-forte dévorer silencieusement le cuivre verni écorché par la délicate pointe de l’artiste. David Delesalle appartient-il à cette longue lignée de talents qui s’appliquèrent souvent à sortir des sentiers battus pour se hasarder dans des chemins inconnus de la gravure ? Le linoléum, le plastique, le contreplaqué, etc… permettant alors des gaufrages et autres effets de reliefs (adieu Henri Jean qui nous fit tant rêver !) encore jamais vus.


Oui ! Notre artiste serait incontestablement reconnu par tous ses plus grands devanciers, car au talent immédiatement perceptible au regard de ses œuvres se conjugue une audace qui donne toute sa noblesse au mot démesure. Jamais artiste n’a osé atteindre de tels formats, plusieurs mètres de long parfois, tout en permettant à ce gigantisme le regard intimiste du spectateur qui se perd dans le détail fouillé de ses travaux véritablement époustouflants.

De plus si l’on veut bien considérer ses sujets, il rompt plus franchement avec la conception souvent trop classique que nous dictent nos cultures savantes en mariant gravure et sujet noble, même si l’on connait de nombreuses exceptions (Callot et ses Gueux mais aussi les erotica de toutes époques, et la gravure humoristique).
De la banalité de l’objet de consommation quotidienne que nous ne savons plus voir, qu’il soit légume, jouet, machine, David Delesalle fait un sujet à part entière qui emplit la page, (le clou), et oblige l’œil à le reconsidérer.

- Le commun devient noble - le plant, sans particule, sorti du sol, devient noble végétal. Le mangeable devient géant, impressionnant et beau, et la figurine de plastique, objet de série, le contraire de l’objet d’art détrône celui-ci sur la feuille géante comme un colosse de la mythologie.
Un talent à la mesure de ses planches.


Vue de l'exposition, série des PlaymobilsVue de l'exposition, "Salade renversée" - "Endive" - "Constellation"