ageroman.org : parcours en Vienne

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Introduction

Deuxième parcours proposé après celui des Deux-Sèvres, Âge Roman en Vienne propose à nouveau une sélection d'édifices d'époque romane à visiter Gps, Smart-Phone ou netbook à la main.

Le Poitou a été christianisé très tôt. Saint Hilaire, premier évêque de Poitiers (342-368), envoie saint Martin se retirer à Ligugé (360-370) et établir la plus ancienne implantation monastique connue à ce jour en Gaule. Poitiers (actuelle préfecture de la Vienne) a été le siège d'un des plus anciens et des plus grands diocèses de l'âge roman. Sa puissance a été confortée par le pouvoir politique des comtes de Poitiers, ducs d'Aquitaine. On y trouve donc la résidence des évêques. Dans les campagnes où les communautés de moines se sont réfugiées dans la solitude, ceux-ci ont élaboré des procédés de construction novateurs repris dans toute la région et ont bâti de solides édifices voûtés en pierre. Nous verrons donc des édifices pour leur architecture.

Le parcours privilégie des monuments plus modestes que ceux prestigieux qui ont été abondamment publiés : Civaux dont les tâtonnements pour couvrir de pierre la nef reprend le procédé mis en place à Saint-Hilaire de Poitiers, Saint-Pierre-les–églises couvert de fresques qui annoncent Saint-Savin, Saint-Nicolas de Civray dont la façade est une page sculptée digne de Notre-Dame-la-Grande et d'Aulnay de Saintonge.

Les abbayes bénédictines de Charroux, Saint-Benoît et Nouaillé-Maupertuis et l'abbaye fontevriste de Lencloître où étaient réunis sous la présidence d'une abbesse une communauté d'hommes et de femmes permettent de montrer l'essor du monachisme et la diversité des interprétations des solutions architecturales. Les pièces conservées dans les musées seront replacées dans ce contexte.

Charroux - L'abbaye Saint-Sauveurh2


En arrivant à Charroux, le visiteur ne peut être qu'impressionné par la présence d'une haute tour-lanterne, dite « Tour de Charlemagne », datant du XIe siècle. C'est le seul vestige que les guerres de Religion et la Révolution française ont laissé de la puissante abbaye Saint-Sauveur.

Aux confins du Poitou et du Limousin, Charroux était la capitale de la Basse-Marche. Son emplacement, éminemment stratégique à la croisée de divers axes économique, religieux et politique, en faisait un bourg dynamique dont les foires attiraient une foule nombreuse.

En 784, le comte de Limoges, Roger, et son épouse, Euphrasie, fondèrent à Charroux, l'abbaye Saint-Sauveur. La nouvelle abbaye a très vite bénéficié des libéralités des souverains carolingiens à l'instar des abbayes de Saint-Maixent, Nouaillé, Saint-Savin, Saint-Jean-d'Angély, Saint-Cyprien de Poitiers ou Saint-Cybard d'Angoulême. Elle connut une influence et un rayonnement grandissants, son abbé exerçait un réel pouvoir politique et, en 830, l'abbaye Saint-Sauveur réunissait déjà quatre-vingt-quatre moines.

Quatre conciles ont été réunis à Charroux entre 989 et 1086 dont celui qui est à l'origine de l'institution de la Paix de Dieu (989). L'empire carolingien était alors sur le déclin. Hugues Capet venait d'être couronné (987) mais son pouvoir restait faible, malmené par l'émergence de puissances locales rivales qui engendrait un climat d'insécurité et de violence. Les autorités religieuses désireuses de protéger les populations (et elles-mêmes) contre ces exactions définirent la Paix de Dieu qui condamnait ceux qui volaient les pauvres, pillaient les églises et agressaient les membres du clergé. Plus tard, l'instauration de la Trêve de Dieu (concile de Toulouse, 1027) compléta l'interdit en prohibant la guerre certains jours de la semaine et pendant des périodes déterminées de l'année.

L'abbaye Saint-Sauveur était un haut lieu de pèlerinage. Le sanctuaire conservait de précieuses reliques, les plus illustres étant une relique de la vraie Croix, don attribué à l'empereur Charlemagne, et le saint Prépuce, évoquant la Circoncision de Jésus, qui aurait été acquis de façon miraculeuse. En Poitou, l'abbaye Sainte-Croix de Poitiers avait déjà acquis une relique de la vraie Croix remise à sa fondatrice, Sainte Radegonde, en 567, par l'empereur de Constantinople.

Les premières élévations carolingiennes de l'abbaye ont laissé peu de traces. Deux chapiteaux à entrelacs sont conservés à Charroux et, au musée de Poitiers, un fragment de l'inscription funéraire de Juste, abbé de Charroux au IXe siècle.

L'abbatiale a été reconstruite au XIe siècle après une série d'incendies. Centre de création artistique, l'édifice adoptait de nouveaux modes de construction (piles quadrilobées, nef à collatéraux percés de fenêtres hautes, voûtes en pierre) tout en conservant certains archaïsmes issus de l'architecture carolingienne (clocher-porche, abside à pans coupés). C'était l'une des plus grandes églises de la chrétienté (114 mètres de long) avec un plan original qui intégrait une vaste rotonde entre le chœur et la nef. Plusieurs édifices religieux avaient, à la même époque, choisi cette formule qui assumait une fonction funéraire (bâtie au-dessus d'une crypte) et symbolisait la Résurrection (Saint-Sépulcre de Jérusalem, Saint-Bénigne de Dijon).

La présence à Charroux de reliques de la vraie Croix aurait-elle motivée ce choix ?

à Dijon, l'abbatiale, édifiée au début du XIe siècle par le lombard Guillaume de Volpiano, présente une rotonde à trois étages composée de trois déambulatoires à colonnes monolithes autour d'une partie centrale ouverte sur toute la hauteur. Celle de Charroux présentait également trois collatéraux concentriques dont il ne reste aujourd'hui que le noyau central.

Dans la Vienne, l'octogone de la Maison-Dieu de Montmorillon s'inscrit dans cette famille d'édifices dont il traduit clairement la valeur symbolique puisqu'il se situait au centre du cimetière de cette ancienne maison de charité, fondée par un pèlerin au retour de Jérusalem : la salle basse servait d'ossuaire et la salle haute de chapelle.

Les fouilles archéologiques, menées sur le site de l'ancienne abbatiale, ont révélé les bases de structures qui permettent d'évaluer l'ampleur et la complexité de l'édifice. 

La tour-lanterne s'élève à l'emplacement de la croisée du transept, au-dessus de la crypte. L'aménagement de la crypte, a posteriori, avait imposé une surélévation du sol, de trois mètres environ, et donc de l'autel au-dessus. Au nord et au sud de la rotonde, prenaient place les bras d'un transept à absidioles ; à l'est s'ouvrait le chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes ; vers l'ouest s'étirait une longue nef à trois vaisseaux.

Le visiteur entre dans l'espace de la basilique par le chœur. Pour apprécier celui-ci, il convient de rejoindre la tour-lanterne et, de ce point, repérer l'ensemble formé par les vestiges des colonnes, murs et bases de murs dégagés lors des fouilles archéologiques. Quelques élévations subsistent vers la droite (absidiole sud).  L'aménagement d'un tel espace permettait d'accueillir et de laisser circuler un grand nombre de pèlerins sans perturber d'éventuelles cérémonies, ou le recueillement des moines. L'accès à la crypte se faisait par un escalier situé au nord-est. Une très belle dalle sculptée, engagée dans un mur, est ornée de deux oiseaux presque en ronde-bosse et buvant dans un calice.

La tour-lanterne présente un plan octogonal. La partie basse est constituée de huit piles quadrilobées reliées entre elles, à mi-hauteur, par une série d'arcs en plein-cintre qui supportent les arcatures supérieures. Sur la face externe des piles, les colonnes unissent les deux séries d'arcades qui se trouvaient à l'intérieur de l'abbatiale, tandis que, sur la face interne, elles s'élèvent jusqu'à la base de la coupole donnant une impression vertigineuse à la construction. Il reste, au-dessus de ce double niveau d'arcades, les traces d'arrachement de la voûte en berceau du premier déambulatoire circulaire. 

La partie haute de la tour qui dominait l'église possède des murs pleins, sauf à la base de la coupole où se trouvent des baies en plein-cintre. Elles éclairaient le chœur de la rotonde et l'autel surélevé attirant le regard du visiteur et produisant un effet saisissant, voulu, qui devait impressionner vivement les pèlerins. La verticalité de la construction, accentuée par les colonnes engagées aux angles de l'octogone, est délicatement rompue par les corniches, moulures et décrochements horizontaux qui rythment l'élévation.

Le décor sculpté prend place sur les chapiteaux des colonnes. Au premier niveau, les chapiteaux, composés de deux pierres superposées liées au mortier, font partie de la série d'un atelier dit « à feuilles grasses » dont la plus ancienne manifestation se reconnaît dans la crypte de l'abbatiale de Saint-Maixent. Son rayonnement s'est exercé pendant une vingtaine d'années (v. 1060-1080) sur des édifices tels Saint-Hilaire de Poitiers et Saint-Sauveur de Charroux. Les caractéristiques de cet atelier se décèlent également en Berry et en Normandie, jusqu'en Italie ou en Espagne. Le musée Sainte-Croix de Poitiers conserve des exemplaires provenant de Saint-Hilaire ou de Saint-Nicolas de Poitiers. à Charroux, deux chapiteaux présentent, sur la pierre supérieure, un décor de lions dont les têtes forment la volute d'angle. Aux étages, les chapiteaux ont des corbeilles lisses, autrefois peintes, à volutes d'angle.

En se rendant place du Parvis, le visiteur prend conscience de l'ampleur de l'abbatiale. Des maisons, installées dans le porche réaménagé à l'époque gothique, abritent les vestiges des portails. D'autres maisons occupent l'espace de la nef ou s'adossent aux murs laissant entrevoir, ici ou là, quelques-uns des contreforts romans. Une partie des anciens bâtiments conventuels gothiques est préservée et abrite maintenant un dépôt lapidaire où sont présentées des sculptures provenant du portail, une dalle romane ornée d'un arbre entre deux colombes, le trésor de l'abbaye et les deux chapiteaux carolingiens. D'autres éléments sculptés de l'ancienne abbatiale sont conservés dans des collections particulières et un chapiteau historié au musée de Niort.

Le trésor de l'abbaye conserve quelques objets datant de l'époque romane. Il s'agit d'insignes de la fonction épiscopale. Le tau en bois de cerf (symbole du berger guidant son troupeau) et l'anneau pastoral (symbole de fidélité) proviennent de la tombe de Géraud, évêque de Limoges, décédé à Charroux en 1022 et inhumé dans l'abbatiale. Ils ont été découverts en 1850. Certains éléments de décor du tau, dit « Tau de Géraud », présentent quelques parentés de style avec le décor des chapiteaux de la tour-lanterne.

Les musées de la région conservent des crosses épiscopales un peu plus tardives. Elles sont en émail.

Pour finir la visite, il est recommandé de longer la rue Saint-Sulpice et de passer sous le porche de l'aumônerie pour découvrir, de façon aérienne, l'emprise au sol de l'abbatiale Saint-Sauveur.

Civaux

La vallée de la Vienne, aux environs de Civaux, est riche en vestiges archéologiques et historiques qui témoignent d'établissements humains à toutes les époques depuis le Paléolithique (environ 350 000 ans). à Civaux, c'est la présence d'une vaste nécropole mérovingienne — selon les légendes, une pluie de sarcophages aurait permis d'ensevelir les morts après la bataille, qui aurait eu lieu à Civaux (!), entre Clovis, roi des Francs, et Alaric, roi des Wisigoths, en 507 — qui a intrigué les historiens et assuré la renommée du lieu.

Relativement importante pendant l'Antiquité (artisanats, théâtre, sanctuaires), la ville est devenue le siège d'une viguerie à l'époque carolingienne avant de perdre progressivement son influence à partir de l'an mille.

Deux découvertes majeures caractérisent le site de Civaux. La première, fortuite, est une stèle funéraire ornée d'un chrisme entre l'Alpha et l'Omega et gravée d'une inscription datée du IVe siècle : AETERNALIS ET SERVILLA VIVATIS IN DEO. Cette stèle est l'un des plus anciens témoignages de la présence d'une communauté chrétienne en Poitou. Elle est contemporaine de saint Hilaire, évêque de Poitiers (342-368) et de saint Martin, fondateur du monastère de Ligugé (360-370).

La seconde est la mise au jour, lors de fouilles archéologiques dirigées par François Eygun en 1960, d'une piscine baptismale mérovingienne dont la présence en dehors du siège épiscopal est rarissime.

L'église de Civaux, élevée sur l'emplacement d'un ancien temple gallo-romain, a subi du VIIe au XIIe siècle plusieurs campagnes de construction qui ont exceptionnellement préservé des éléments anciens. Elle est dédiée à saint Gervais et à saint Protais dont le culte paraît s'être rapidement développé après la découverte de leurs reliques à Milan en 386.

Extérieur

La partie la plus ancienne de l'édifice appartient à l'époque mérovingienne. Il s'agit de l'abside heptagonale construite avec un petit appareil cubique à joints épais, issu de la tradition romaine, associé à des blocs allongés, le tout disposé en assises régulières. Les angles sont formés de pierres taillées à chaque assise. Les arcs en plein-cintre des trois fenêtres qui éclairent le chœur sont faits de minces claveaux extradossés d'un cordon de tuiles qui se prolonge en retour d'angle au niveau des impostes. D'autres tuiles séparent les claveaux. Le décor est complété par deux motifs en losanges placés de part et d'autre de la fenêtre d'axe.
La piscine baptismale présente un type de construction similaire à celui de l'abside : une structure polygonale (plan en losange) avec l'emploi d'un appareil allongé. Ces procédés sont ceux que l'on retrouve dans les constructions mérovingiennes de la région. L'abside et la piscine, vraisemblablement contemporaines, pourraient dater du VIe ou VIIe siècle. Selon Brigitte Boissavit-Camus, archéologue, responsable des fouilles conduites à la fin des années 80, il est possible que l'ensemble des bâtiments ait été ceint de murs, hérités du temple antique dont il reste les fondations, afin de délimiter un espace de circulation réservé à l'exercice du culte.
La nef aurait été reconstruite au début du XIe siècle, en même temps que la souche du clocher. Les murs de la nef sont constitués de petits moellons irréguliers et rythmés par l'alternance des contreforts plats et des baies hautes. Ces dernières, étroites, sont surmontées d'un linteau en hémicycle gravé de fines lignes simulant un arc appareillé dans un style très répandu avant l'an mille, mais qui tend à disparaître ensuite. Le clocher est curieusement placé au-dessus du chœur qu'il encombre par les énormes piles nécessaires à son soutènement. Les trois niveaux supérieurs sont matérialisés par des corniches. Le premier est aveugle et possède des contreforts d'angle, les deux derniers sont éclairés par des baies libres. Au second niveau, les baies s'inscrivent dans un mur plat, tandis qu'au troisième, elles sont dotées de deux rangs de claveaux descendant le long des jambages et surmontées d'un cordon mouluré continu sur les quatre faces. Le clocher est coiffé d'une élégante couverture pyramidale en pierres.
La façade assume la forme générale d'un quadrilatère surmonté d'un imposant pignon triangulaire. Le décor est concentré sur l'élégante corniche qui délimite le pignon, constituée de petites arcatures reposant sur des modillons sculptés. De puissants contreforts soutiennent la façade. L'un d'eux, au nord, a été refait au XIVe ou XVe siècle. Au centre, le portail sans tympan est orné d'un simple rouleau. Il est surmonté d'une baie en plein-cintre à voussures et couronnée d'un fin cordon reposant sur des culots sculptés. Une inscription de dédicace gravée près de l'entrée de l'église est partiellement conservée, elle paraît dater du tout début du XIIe siècle.

Intérieur

La nef, charpentée à l'origine, a été voûtée à l'époque romane. Pour assurer la stabilité des voûtes, il a été nécessaire de diviser l'espace de la nef par deux séries de colonnes. Ces colonnes rondes, maçonnées en pierres de taille, supportent des chapiteaux sculptés aux décors particulièrement variés et où se perçoivent les influences d'édifices voisins comme la collégiale Saint-Pierre de Chauvigny (XIIe siècle).

Certains chapiteaux sont ornés de végétaux stylisés ou de motifs géométriques, d'autres font appel à un bestiaire fantastique, une dernière série illustre des thèmes à valeur symbolique (oiseaux s'abreuvant à une coupe) ou morale (couple se donnant la main, marin expulsé de son bateau par une sirène).

Le chœur est placé dans l'abside mérovingienne. L'espace a été réduit par l'implantation des piles qui soutiennent le clocher et qui dessinent un genre de faux déambulatoire assez maladroit. C'est sur la face interne du mur de l'abside que la stèle gravée du IVe siècle a été encastrée. Elle avait été découverte sur ce même mur, à l'extérieur, à l'occasion des travaux d'agrandissement de la fenêtre d'axe (celle-ci a retrouvé son allure primitive lors d'une récente campagne de restauration).

Les voûtes et les enduits peints ont été refaits au XIXe siècle. Le décor associe des rinceaux et des motifs décoratifs au faux appareillage (la région conserve des enduits romans à faux joints de pierres notamment dans la chapelle castrale d'Argenton-Château). En 1866, l'artiste poitevin Honoré Hivonnait a peint, à l'entrée du chœur, les saints Gervais et Protais tenant la palme des martyrs.

à quelques dizaines de mètres de l'église, le cimetière de Civaux est un lieu qui invite au romantisme. Au milieu des cyprès, des centaines de sarcophages jonchent le sol. La clôture elle-même est faite de dalles funéraires. Ce sont les vestiges de l'immense nécropole mérovingienne qui rassemblait plusieurs milliers de tombes.

Civray

L'église Saint-Nicolas de Civray présente une façade exceptionnelle par la richesse et la qualité de son décor et de son programme iconographique. Construite probablement dans la seconde moitié du XIIe siècle, l'église présente un plan en croix latine avec une nef à collatéraux, un transept saillant sur lequel se greffent deux absidioles et un chœur profond formé d'une travée droite ouvrant sur l'abside. La tour-lanterne qui s'élève sur la croisée du transept est octogonale et n'est pas sans rappeler la silhouette de celle de Charroux. Mal entretenue au XVIIIe siècle, l'église a subi plusieurs restaurations au cours du siècle suivant. Après son classement au titre des Monuments Historiques en 1840, la façade a été démontée, pierre par pierre, sous l'autorité de l'architecte Joly-Leterme, en 1843. Chaque pierre a été numérotée afin d'être remise en place. Malheureusement, ce démontage a provoqué l'effondrement de la première travée de la nef et il s'en est suivi d'importantes campagnes de consolidation de l'édifice.

Extérieur

La façade a les caractéristiques d'une façade-écran et dissimule le reste de la construction. Elle adopte la forme d'un vaste rectangle limité aux angles par des faisceaux de colonnettes, rythmé, verticalement, par trois travées d'arcatures et, horizontalement, par des corniches saillantes formées d'une succession de petits arcs reposant sur des modillons. L'ensemble est couronné d'un muret d'où émergent, aux extrémités, deux clochetons couverts en écailles ajoutés au XIXe siècle.
Au premier niveau, l'arcature centrale abrite le portail à quatre voussures historiées, reposant sur des colonnes ornées de chapiteaux sculptés.

Le programme iconographique des voussures contient un message spirituel. La première, bien qu'en mauvais état, permet de reconnaître un Christ bénissant dans une mandorle avec, de part et d'autre, les symboles des évangélistes (l'ange de Mathieu, le lion de Marc, l'aigle de Jean et le taureau de Luc) et des anges. La deuxième illustre la parabole des Vierges sages et des Vierges folles ; la troisième est consacrée à une Assomption de la Vierge entourée d'anges qui la portent et la fêtent. Enfin, la quatrième voussure représente le zodiaque associé au rythme des travaux des champs. Les mois de janvier et février, temps de repos de la terre, sont illustrés par deux hommes assis, l'un dans un fauteuil et l'autre de face, ses bottes posées à côté. Avec l'approche du printemps, les activités reprennent. En mars, la vigne est taillée et en avril, la terre est retournée. Pour le mois de mai, la scène est malheureusement dégradée, mais en juin, c'est la fenaison ; juillet est le temps des moissons, août, celui du battage du grain, septembre, des vendanges et en octobre, de la glandée. Au mois de novembre, les bœufs sont à l'étable et en décembre, une table paraît dressée pour un festin. Une moulure ornée d'entrelacs surmonte l'ensemble. Le tympan sculpté, orné d'un Christ en gloire entouré des symboles des évangélistes, est une œuvre de Pierre-Amédée Brouillet commandée par le curé de la paroisse en 1858.

Une profusion de décors à motifs géométriques très soignés, où s'insèrent quelques figures monstrueuses, orne les pieds droits, les arcs et voussures des arcatures latérales et secondaires, les impostes et les ressauts des murs entre les colonnes. Quelques scènes bibliques sont illustrées, parmi lesquelles on peut reconnaître «  Samson et le lion » sur un chapiteaux de la grande arcature de gauche, « Jésus marchant sur le lac de Tibériade » au-dessus d'un pied droit du portail, « Samson et Dalila » sur un chapiteaux de l'une des petites arcatures à droite de la façade. Plus haut, sur la voussure interne de la grande arcade de droite, « le combat de saint Georges contre le dragon » se tient à proximité d'un personnage monstrueux (une hostie dans la bouche, il montre ses parties intimes). En parallèle, sur la grande arcade de gauche, quatre personnages forment une scène qui rappelle les mystères : entre deux spectateurs, une femme danse au son d'un joueur de viole. Des scènes anecdotiques enrichissent l'ensemble : vendanges, moissons, combat, etc.

Dans l'écoinçon, entre l'arcature de gauche et celle du portail, il subsiste une scène de l'Annonciation très mutilée ; à droite du portail, une scène de la Visitation devait faire pendant.
Au second niveau, les trois arcatures ont reçu chacune un programme iconographique différencié.

à gauche, prend place un cavalier monumental malheureusement très endommagé. Ce thème, propre à la région Poitou-Charentes, a donné lieu à de nombreuses interprétations : Constantin, Charlemagne, un seigneur local ou une réplique en pierre de la statue équestre en bronze (autrefois doré) de Marc-Aurèle au Capitole à Rome. Lors de travaux effectués devant la façade de l'église, un buste d'homme a été dégagé qui pourrait être celui du cavalier. De part et d'autre, les chapiteaux des colonnettes sont ornés de masques de monstres avalant le fût de la colonne, de feuillages et d'une main (sur le chapiteau de la colonne de droite). La voussure principale présente, dans des médaillons, des anges aux ailes déployées jouant un concert à la gloire de Dieu. Ils ont tous des attitudes différentes et élégantes. La précision de la sculpture permet de reconnaître leurs différents instruments : viole, flûte de pan, clochette, flûte, vielle, olifant, tympanon, triangle, sistre…

à l'intérieur de l'arcade de droite, neuf statues sont distribuées en deux registres (4 et 5). Les quatre personnages du registre supérieur tiennent des livres ou des phylactères (prophètes ou évangélistes ?). Au-dessous, un seul des cinq personnages est identifiable grâce à une inscription : il s'agit de saint Nicolas, patron de l'église. Deux cariatides, une danseuse et une musicienne, remplacent les habituelles colonnettes de l'arcature. Quant à la voussure, elle est animée par un cortège de douze personnages aux attitudes variées qui, malgré leur nombre, ont été assimilés aux vieillards de l'Apocalypse.

L'arcature centrale du second niveau abrite une baie d'axe en plein-cintre, plutôt petite, mise en valeur par deux séries de voussures. La première a un caractère ornemental (palmettes, rinceaux), la seconde raconte l'histoire du combat des Vices et des Vertus inspiré de la Psychomachie du poète latin et chrétien Prudence : des chevaliers aux boucliers effilés, dont certains sont marqués d'une croix, transpercent des monstres squelettiques. Les statues en ronde-bosse de saint Pierre et de saint Paul habillent les pieds droits de la fenêtre. Sur l'un des chapiteaux voisins paraît un buste de femme tenant deux disques ornés d'une croix : il s'agit vraisemblablement de l'église présentant l'Eucharistie.

Les artistes qui ont sculpté la corniche séparant les deux niveaux de la façade ont laissé libre cours à leur imagination : têtes animales et humaines toutes différentes, certaines grimaçantes, d'autres souriantes…  comme on en trouve des exemples dans les musées de la région à La Rochelle, Saintes, Niort, Poitiers...

La multitude d'images qui orne la façade de l'église Saint-Nicolas de Civray rappelle aux fidèles qui se préparent à entrer dans le sanctuaire les grands messages chrétiens. à l'intérieur, le regard est attiré vers le chœur, où se célèbre le sacrifice, grâce à la lumière diffusée par la tour-lanterne de la croisée du transept. Les peintures murales dont Amédée Brouillet a couvert l'église en 1865 contribuent à donner à l'édifice une atmosphère très particulière : cortège de saints au transept ; Christ en Gloire et Vierge en Majesté accompagnés des apôtres dans le chœur.

Lencloître

Notre-Dame de Lencloître est l'ancienne église d'un prieuré fontevriste érigé dans la vallée de l'Envigne, entre 1106 et 1109, sur une terre donnée par le vicomte de Châtellerault, Aimery. L'ordre de Fontevrault, fondé par Robert d'Arbrissel (vers 1047-vers 1117), accueillait des hommes et des femmes placés sous l'autorité de l'abbesse, selon la règle édictée par le fondateur. Toute nouvelle fondation dépendait directement de l'abbaye-mère et comprenait au moins un couvent de moines et un couvent de moniales ; de là vient le nom de Lencloître (les cloîtres) que reçut le bourg qui s'est développé auprès de ce prieuré et qui est devenu, au XIXe siècle, un chef-lieu de canton.

Au cours des siècles, l'église a subi peu de modifications à l'exception des deux tourelles édifiées en façade au XVe siècle. Cependant, elle est construite en tuffeau, un calcaire très tendre, qui résiste mal aux intempéries. L'église a donc subi une récente restauration qui lui a rendu sa blancheur et mis en valeur son architecture aux volumes équilibrés et son unité.

Extérieur

L'église Notre-Dame présente une silhouette élégante dominée par la tour du clocher, à deux niveaux, de la croisée du transept.

Les murs de l'abside orientale et des absidioles sont animés par des colonnes engagées. Sur l'abside, au-dessus des fenêtres en plein-cintre, une série de petits arcs repose en alternance sur des modillons et sur les colonnes. L'appui des fenêtres à colonnettes est appareillé en gradins, leurs cintres décorés de rinceaux.

Le mur nord de la nef est plus soigné que le mur sud qui donnait sur le cloître. Des cordons entourent les baies et s'étirent entre les contreforts. Ils sont ornés de palmettes et de rosaces. Une porte en plein-cintre a conservé un décor géométrique en meilleur état que celui du portail occidental : palmettes, pointes de diamants, tores, losanges, galons, perles… Ce type de décor est très fréquent dans le Châtelleraudais. Le mur nord, le transept et l'abside sont couronnés par une corniche à arcatures reposant sur des modillons sculptés.

Intérieur

L'église présente un plan classique en croix latine : nef à collatéraux, transept saillant à absidioles, croisée sur laquelle s'élève le clocher donnant sur un chœur profond terminé en abside. La voûte en berceau brisé de la nef est contrebutée par les voûtes d'arêtes des collatéraux. Ce type de construction, fréquent en Poitou, permettait de libérer les murs gouttereaux de la charge directe des voûtes et facilitait le percement des baies hautes augmentant ainsi l'apport de lumière.

L'apparition de la voûte en berceau brisé, mal datée, remonte peut-être à la fin du XIe siècle puisqu'elle a été employée à Parthenay-le-Vieux. Cette technique qui assure une pression verticale sur les supports constitue un net progrès sur la voûte en plein-cintre qui, elle, exerce des poussées latérales sur les murs et tend à les faire déverser.

La croisée du transept est couverte d'une coupole sur pendentifs, moins commune dans la région que les coupoles sur trompes. Les deux techniques étaient utilisées pour passer du plan carré de la croisée à la forme ronde de la coupole. Le pendentif adopte la forme d'un triangle inversé, tandis que la trompe est une petite voûte. à Lencloître, comme à Fontevrault, les pendentifs reposent sur des colonnettes. Les arcades de la nef sont portées par des faisceaux de huit colonnes dont les chapiteaux, parfois très restaurés, sont sculptés de feuilles lisses et plates, de lions et d'oiseaux, de monstres ou de dragons. Sur les piles de la croisée du transept, un cordon de gros boutons stylisés s'élève entre les colonnes.

Les peintures des murs et des chapiteaux du chœur sont l'œuvre d'une restauration au XIXe siècle.

Nouaillés-Maupertuis

Nouaillé-Maupertuis, à quelques kilomètres de Poitiers, était le siège d'une abbaye bénédictine qui s'est constituée autour de moines de Saint-Hilaire de Poitiers, venus se réfugier dans le calme de la petite vallée du Miosson, vers 690.

Malgré sa situation écartée, le site a été ravagé à plusieurs reprises : les invasions normandes, la guerre de Cent Ans, les guerres de Religion. Il a subi les épreuves qui ont suivi la Révolution française. Un épisode particulièrement célèbre est la fameuse bataille de Poitiers, en 1356, qui vit la défaite de Jean II le Bon contre le prince Noir. Au XVe siècle, l'abbaye a reçu une enceinte fortifiée qui lui donne une silhouette particulière.

L'église, devenue paroissiale lorsque les moines eurent quitté le monastère, présente un grand intérêt architectural : on y trouve des éléments qui vont du VIIIe siècle au XVIIe siècle, de l'époque carolingienne à l'époque classique. Conçue comme un édifice imposant dès l'époque carolingienne, elle a, au fil du temps, été mise au goût du jour sur les structures préexistantes. Du premier établissement monastique, il a été retrouvé un pavage en terre cuite aux motifs imprimés avec des poinçons en bois gravés. Des plaques gravées d'entrelacs, insérées dans les murs de la crypte, datent de la même époque. Au musée de Poitiers, un décor exceptionnel de stucs, provenant de Vouneuil-sous-Biard, permet d'imaginer la qualité des ornements de certains édifices mérovingiens.

Au début du IXe siècle, l'abbé Godelin a fait construire une nouvelle église qui a été dotée d'une crypte pour recevoir le tombeau de saint Junien, fondateur du monastère poitevin de Mairé-Lévescault. La translation des reliques s'est déroulée en 830. Cette crypte, aménagée sous le chœur de l'église, en reprend probablement le plan. Elle possède un chevet plat où s'inscrivent l'abside en hémicycle et les absidioles, séparées par deux petites salles rectangulaires qui s'apparentent aux secretaria que l'on trouve dans les basiliques orientales. Le sarcophage carolingien de saint Junien est, aujourd'hui, présenté au fond du chœur de l'église. Il conserve un décor peint exceptionnel, inspiré de tissus orientaux représentant des aigles dans trois médaillons perlés.

Entre 1014 et 1017, l'abbé Constantin aurait entrepris d'importantes restaurations et réédifié une nef charpentée et à murs minces alors que, dans le même temps, des édifices prestigieux, comme les abbatiales de Charroux ou Maillezais, optaient pour des voûtes en pierre. Le plan de l'église présente une nef de quatre travées à peu près carrées et un transept, l'un des premiers en Poitou. Sur le mur nord à l'extérieur, les deux premiers niveaux d'arcatures remontent au temps de l'abbé Constantin : une première série d'arcades en plein-cintre est surmontée de petites arcatures à pilastres ou à colonnettes portant des chapiteaux légèrement épannelés. Le mur, préservé lors de la pose des voûtes, a été renforcé par l'ajout de hautes arcades en arc brisé reposant sur d'épais contreforts qui laissent lisible la structure antérieure. Le transept et le chœur ont été refaits au XVIIe siècle et ont reçu des voûtes de type gothique à liernes et tiercerons, mais on peut voir, encore en place au nord du transept, un tailloir sculpté d'entrelacs.

Au XIIe siècle, la nef de l'église a été voûtée en pierre. Pour cela, elle a été divisée en trois par deux séries de colonnes quadrilobées soutenant des arcs brisés. La partie centrale de la nef a reçu une voûte en berceau brisé à doubleaux et les collatéraux des voûtes en plein-cintre. Pour assurer la stabilité des voûtes, des arcs en quart de cercle ont été placés dans les collatéraux, à mi-hauteur entre les colonnes et le mur gouttereau. Ce système reprend celui qui avait été adopté à Saint-Hilaire de Poitiers. Les chapiteaux des colonnes de la nef sont ornés de motifs à feuilles simples ; ceux des colonnettes jumelées qui supportent les doubleaux présentent parfois des scènes historiées : chimères, lions à queues évasées en feuillages, oiseaux buvant dans un calice, joueur de cor, moine donnant à boire à un maçon. Il reste quelques vestiges de peinture murale romane sur les piliers et sur les murs latéraux. On distingue un évêque et, peut-être, une représentation de saint Benoît.

Dans la seconde moitié du XIIe siècle, la façade occidentale a été masquée par l'aménagement d'un imposant clocher-porche, rémanence d'une tradition carolingienne. Les églises dotées de clochers-porches, en Poitou, sont des églises construites plus tôt, au cours du XIe siècle, comme Saint-Savin ou Saint-Porchaire de Poitiers. à Nouaillé, le clocher-porche est couvert d'une belle coupole sur trompes à huit pans nervurés. Le sommet de la coupole est percé d'un oculus. Quatre fenêtres hautes laissent passer une abondante lumière. Des tablettes triangulaires à la base des trompes sont soutenues par des modillons sculptés de têtes vigoureuses. Les deux collatéraux du clocher-porche sont voûtés en demi-berceau et participe efficacement au soutien de la coupole. Les chapiteaux sont richement sculptés d'acanthes ou de scènes historiées traitées avec fantaisie : une femme fait des figures acrobatiques ; un moine, sous son capuchon, est encerclé par un homme qui lui sert à boire et à manger, un autre qui le menace de son épée à laquelle pend une tête coupée et qui, en même temps, s'empare de l'outre d'un troisième personnage ; d'autres moines soufflent dans un cor ; des monstres ; des bûcherons ; des lutteurs. Ce dernier chapiteau n'est pas sans évoquer le célèbre chapiteau de la Dispute conservé au musée Sainte-Croix et qui provient de l'église Saint-Hilaire de Poitiers.

Enfin, des bâtiments conventuels appartenant à l'âge roman, il subsiste l'aile ouest qui abrite une grande salle voûtée en berceau brisé et une cheminée cylindrique terminée par un couronnement conique qui émerge des toitures, non loin du clocher-porche.

Saint-Benoît

Dans la très proche banlieue de Poitiers, se niche, au confluent du Miosson et du Clain, l'ancienne abbaye bénédictine de Saint-Benoît. Elle aurait été fondée au VIIe siècle par saint Achard avec des moines venus de l'abbaye normande de Jumièges. Ruinée par les invasions normandes, elle fut restaurée au début du XIe siècle. Elle présente une simplicité et une austérité exceptionnelles dans la région si on excepte les églises des abbayes cisterciennes de l'étoile à Archigny et du Pin à Béruges, malheureusement toutes deux très ruinées suite à leur reconversion en bâtiments agricoles. L'ordre cistercien doit son nom à l'abbaye de Cîteaux, fondée par Robert de Molesme en 1098, et son rayonnement spirituel à saint Bernard (1090-1153), abbé de Clairvaux, qui prônait pauvreté, solitude, austérité.

Extérieur

La façade est rythmée par des contreforts verticaux et des bandeaux horizontaux qui surmontent les ouvertures. Deux arcatures aveugles encadrent un portail à voussures en plein-cintre sous une fenêtre également en plein-cintre. Le décor est constitué par la géométrie de l'appareil réticulé au-dessus des ouvertures, celui des billettes et des damiers autour des arcs. De cette grande simplicité, se détachent les chapiteaux des colonnettes sculptées de rinceaux, d'une gazelle et d'une tête d'homme sur un corps de coq. On observe la même sobriété sur les murs sud, nord et au chevet. Le clocher s'élève à la croisée du transept ; il a reçu, au XIVe siècle, une balustrade cantonnée de clochetons et une élégante flèche octogonale éclairée par quatre lucarnes aux galbes élancés.

Intérieur

Le plan de l'église est caractéristique des églises de taille moyenne dans la région, en croix latine avec une nef sans collatéraux, un transept à absidioles et un chœur en hémicycle. L'église a reçu des voûtes en plein-cintre ou en berceau légèrement brisé, y compris sur la croisée du transept qui ne possède pas de coupole à l'inverse de ce qui se faisait en général en Poitou. Le décor est encore plus sobre qu'à l'extérieur, formé par les arcatures adossées aux murs gouttereaux pour soulager la pression des voûtes. Les arcs reposent sur les impostes ornées de dents de scies et de dents de loups des pilastres. On distingue par endroits les traces d'une peinture murale réalisée à l'époque gothique.

Les bâtiments conventuels

Les bâtiments conventuels se développaient entre l'église et les rives du Miosson, au sud. Il ne reste que le bâtiment est qui comprend l'ancienne sacristie, la salle capitulaire et, à l'étage, le dortoir. Ici, le décor est luxuriant. La porte en arc brisé et les baies géminées en plein-cintre sont doublées d'une arcature. Elles donnaient jour à la salle capitulaire ouverte sur le cloître. Les chapiteaux sont soigneusement sculptés, on peut y reconnaître de larges feuillages, des oiseaux qui picorent ou qui se mêlent à des lions, un personnage maîtrisant deux lions avec une corde, des scènes de l'enfance du Christ, une Visitation de la Vierge. Les tailloirs et les bases des colonnes ont reçu un décor géométrique. à l'étage, le dortoir, couvert d'une charpente plus récente, est éclairé par une série de baies romanes en plein-cintre ouvrant sur le cloître.
Depuis les dernières restaurations, cet ensemble est devenu un centre artistique où sont organisés des concerts et des expositions.

Non loin de là, le monastère Sainte-Croix est installé depuis 1965 au lieu-dit « La Cossonière ». Il accueille des religieuses bénédictines. Fondé vers 552 à Poitiers par la Reine Radegonde, le monastère Sainte-Croix a été un haut lieu du monachisme en Poitou et le premier monastère féminin fondé en Gaule. Il possède encore des objets exceptionnels dont un petit meuble mérovingien en bois sculpté dit "pupitre" qui aurait appartenu à Sainte Radegonde, une pièce de la plus haute importance pour la connaissance de l'histoire de l'art et du christianisme.

Saint-Pierre-les-églises

En longeant la Vienne au départ de Civaux, sur la rive droite, se révèle, un peu en amont de Chauvigny, l'église de Saint-Pierre-les-églises. Pendant l'Antiquité, c'est ici que la voie impériale romaine qui reliait Bourges (Avaricum) à Poitiers (Lemonum) franchissait à gué la rivière. Une borne milliaire adossée au chevet de l'église rappelle ce lointain passé. Dans le cimetière environnant, il subsiste quelques sarcophages mérovingiens dont les couvercles sont ornés, pour la plupart, d'une bande longitudinale recoupée de trois bandes transversales du même type que ceux que l'on voit à Civaux.

D'autres cimetières mérovingiens sont connus entre Civaux et Chauvigny. Ils ont été repérés à l'occasion de fouilles archéologiques à « Cubord-les-Claireaux » et à la « Maison Neuve », commune de Valdivienne.

L'église de Saint-Pierre-les-églises présente un plan simple avec une nef rectangulaire ouvrant sur une abside semi-circulaire. L'ensemble était couvert d'une charpente. Au XIe siècle, l'abside a été surélevée pour recevoir une voûte en pierre, renforcée à l'intérieur par un arc-doubleau reposant sur deux colonnes adossées au mur. Les chapiteaux sculptés de ces colonnes sont ornés de feuillages stylisés caractéristiques du tout début de l'art roman.

La notoriété de l'église tient à l'exceptionnelle conservation d'une fresque qui couvre la totalité de l'abside. Nous rappelons que la peinture a fresco consiste à appliquer des couleurs sur un enduit frais à base de chaux, technique qui assure la pérennité de l'œuvre aussi, longtemps que les conditions environnementales restent favorables. Les pigments utilisés à Saint-Pierre-les-églises sont peu nombreux (ocre rouge, ocre jaune, blanc et gris) et l'usure fait paraître l'ensemble en camaïeu.

Les scènes historiées, rythmées par les trois fenêtres de l'abside, sont déployées sur deux registres séparés par une alternance de lignes blanches et grises. Les thèmes concernent l'enfance du Christ, la Crucifixion et un épisode de l'Apocalypse. Dans la partie sud de l'abside, l'usure de la fresque ne permet plus d'identifier les sujets.

Les deux scènes de part et d'autre de la fenêtre d'axe, au registre supérieur, sont particulièrement développées. à gauche, la Visitation illustre la rencontre entre Marie et sa cousine élizabeth, elle réunit ici cinq personnages. Au centre, élisabeth se précipite pour accueillir la Vierge ; celle-ci conserve l'attitude réservée qui lui est caractéristique, près d'elle se tient une jeune femme. Derrière élizabeth, une autre jeune femme se retourne vers Zacharie, époux d'élisabeth, comme pour le prendre à témoin de l'événement. Malgré l'usure, la dynamique exprimée dans cette scène par les gestes des mains, les mouvements des corps et le jeu de regards est remarquable.

à droite, prend place un épisode rare de la Nativité, le bain de l'Enfant, qui n'est connu que par les textes apocryphes. Marie est allongée et vient de mettre au monde l'enfant Jésus. Celui-ci est pris en charge par trois sages-femmes. La première, présentée de face à gauche de la scène, tient deux amphores contenant des onguents ; la seconde de profil apporte un vêtement blanc destiné à habiller l'Enfant ; la troisième procède au bain. La silhouette de l'Enfant est à peine discernable. L'événement prend place dans une grotte, symbolisée par une ligne blanche en demi-cercle au-dessus de Marie et à laquelle pend une draperie donnant une certaine intimité à l'ensemble. La base d'une tunique et un pied subsistant à droite de la scène suggère l'éventuelle présence de Joseph.

Sous la Visitation prennent place deux scènes qui représentent la chevauchée et l'adoration des Mages. Dans un premier temps, trois cavaliers portant des coiffes pointues de type oriental et tenant de longues hampes voyagent vers Bethléem sur des chevaux richement harnachés. Dans un second temps, ils se prosternent devant l'Enfant Jésus qui se tient sur les genoux de la Vierge assise sur un trône. Ils offrent des coupes qui, selon l'évangile de Saint Mathieu, contiennent de l'or (symbole de la royauté, le Christ est le roi des Juifs), de l'encens (symbole du sacerdoce, le Christ est le fils de Dieu) et de la myrrhe (symbole de la mort, le Christ est fils de l'homme donc mortel).

à droite, sous la Nativité, la scène illustre un épisode de l'Apocalypse. Il s'agit du combat entre l'archange saint Michel et la bête de l'Apocalypse. La scène est extraordinaire de vivacité. L'archange, protégé par un immense bouclier, perce d'un puissant coup de lance le flanc du monstre qui semble se débattre. La victoire de saint Michel annonce le retour triomphant du Christ rédempteur.

La partie gauche du chœur est consacrée à la Crucifixion. Le Christ en croix, imberbe et nimbé, est vêtu du périzonium, un linge lui entourant les hanches. Au-dessus des bras de la croix sont symbolisés le soleil, presque effacé, et la lune. Aux pieds du Christ se trouve un calice qui reçoit le sang s'écoulant de ses plaies. De part et d'autre de la croix prennent place plusieurs personnages. D'un côté, le soldat romain Longinus tient la lance avec laquelle il a percé le flanc du Christ, près de lui se tient Marie, la mère de Jésus, la tête inclinée et les mains jointes. à l'opposé, le « porte-éponge » tient dans une main le roseau à l'éponge et, dans l'autre, un seau. Un peu en arrière, apparaît le haut du corps de Marie-Madeleine, identifiable grâce à l'inscription Maria Mag|dalene, dont l'attitude reflète le chagrin et la désolation.

La scène se prolonge en retour d'angle, sur le revers du mur de l'arc triomphal, avec un personnage nimbé, connu par une inscription aujourd'hui presque effacée, Maria Jacobi. Elle présente un voile blanc largement déployé qui symbolise vraisemblablement le linceul vide du Christ ressuscité.

Cette fresque a été découverte par le curé de la paroisse en 1850 sous un badigeon blanc. Supposée romane dans un premier temps, il a fallu attendre l'analyse stylistique de Paul Deschamps, archiviste-paléographe et directeur du musée des Monuments Français, qui, en observant des détails précis, fut en mesure de l'attribuer à la tradition carolingienne dès 1950. Il s'est appuyé à la fois sur des caractéristiques iconographiques (le Christ en croix présente des dispositions que l'on ne retrouve pas à l'époque romane) et épigraphiques (la forme des « g » dans les inscriptions est typiquement carolingienne). Récemment, l'archéologue Bénédicte Palazzo-Bertholon a fait procéder à l'analyse au C14 de quelques charbons résiduels préservés dans l'œuvre. Le résultat a donné une fourchette de datation comprise entre 782 et 984. Ainsi, la région qui abrite l'un des plus beaux ensembles peints de la période romane (Saint-Savin, XIe siècle, classé au patrimoine mondial par l'UNESCO), peut s'enorgueillir de posséder une fresque carolingienne, l'une des plus anciennes de France pour la période médiévale avec celle de la crypte de Saint-Germain d'Auxerre et conservée in situ.