église Saint-Nicolas de Civray
L'église Saint-Nicolas de Civray présente une façade exceptionnelle par la richesse et la qualité de son décor et de son programme iconographique. Construite probablement dans la seconde moitié du XIIe siècle, l'église présente un plan en croix latine avec une nef à collatéraux, un transept saillant sur lequel se greffent deux absidioles et un chœur profond formé d'une travée droite ouvrant sur l'abside. La tour-lanterne qui s'élève sur la croisée du transept est octogonale et n'est pas sans rappeler la silhouette de celle de Charroux. Mal entretenue au XVIIIe siècle, l'église a subi plusieurs restaurations au cours du siècle suivant. Après son classement au titre des Monuments Historiques en 1840, la façade a été démontée, pierre par pierre, sous l'autorité de l'architecte Joly-Leterme, en 1843. Chaque pierre a été numérotée afin d'être remise en place. Malheureusement, ce démontage a provoqué l'effondrement de la première travée de la nef et il s'en est suivi d'importantes campagnes de consolidation de l'édifice.
La façade a les caractéristiques d'une façade-écran et dissimule le reste de la
construction. Elle adopte la forme d'un vaste rectangle limité aux angles par des
faisceaux de colonnettes, rythmé, verticalement, par trois travées d'arcatures et,
horizontalement, par des corniches saillantes formées d'une succession de petits arcs
reposant sur des modillons. L'ensemble est
couronné d'un muret d'où émergent, aux extrémités, deux
clochetons couverts en écailles ajoutés au XIXe siècle.
Au premier niveau, l'arcature centrale abrite le portail à quatre voussures historiées, reposant
sur des colonnes ornées de chapiteaux
sculptés.
Le programme iconographique des voussures contient un message spirituel. La première, bien qu'en mauvais état, permet de reconnaître un Christ bénissant dans une mandorle avec, de part et d'autre, les symboles des évangélistes (l'ange de Mathieu, le lion de Marc, l'aigle de Jean et le taureau de Luc) et des anges. La deuxième illustre la parabole des Vierges sages et des Vierges folles ; la troisième est consacrée à une Assomption de la Vierge entourée d'anges qui la portent et la fêtent. Enfin, la quatrième voussure représente le zodiaque associé au rythme des travaux des champs. Les mois de janvier et février, temps de repos de la terre, sont illustrés par deux hommes assis, l'un dans un fauteuil et l'autre de face, ses bottes posées à côté. Avec l'approche du printemps, les activités reprennent. En mars, la vigne est taillée et en avril, la terre est retournée. Pour le mois de mai, la scène est malheureusement dégradée, mais en juin, c'est la fenaison ; juillet est le temps des moissons, août, celui du battage du grain, septembre, des vendanges et en octobre, de la glandée. Au mois de novembre, les bœufs sont à l'étable et en décembre, une table paraît dressée pour un festin. Une moulure ornée d'entrelacs surmonte l'ensemble. Le tympan sculpté, orné d'un Christ en gloire entouré des symboles des évangélistes, est une œuvre de Pierre-Amédée Brouillet commandée par le curé de la paroisse en 1858.
Une profusion de décors à motifs géométriques très soignés, où s'insèrent quelques figures monstrueuses, orne les pieds droits, les arcs et voussures des arcatures latérales et secondaires, les impostes et les ressauts des murs entre les colonnes. Quelques scènes bibliques sont illustrées, parmi lesquelles on peut reconnaître « Daniel dans la fosse aux lions » sur un chapiteaux de la grande arcature de gauche, « Jésus marchant sur le lac de Tibériade » au-dessus d'un pied droit du portail, « Samson et Dalila » sur un chapiteaux (trés abîmé) de l'une des petites arcatures à droite de la façade. Plus haut, sur la voussure interne de la grande arcade de droite, « le combat de saint Georges contre le dragon » se tient à proximité d'un personnage monstrueux (une hostie dans la bouche, il montre ses parties intimes). En parallèle, sur la grande arcade de gauche, quatre personnages forment une scène qui rappelle les mystères : entre deux spectateurs, une femme danse au son d'un joueur de viole. Des scènes anecdotiques enrichissent l'ensemble : vendanges, moissons, combat, etc.
Dans l'écoinçon, entre l'arcature de gauche et celle du portail, il subsiste une scène
de
l'Annonciation très mutilée ; à droite du portail, une scène de la
Visitation devait faire pendant.
Au second niveau, les trois arcatures ont reçu chacune un programme iconographique différencié.
à gauche, prend place un cavalier monumental malheureusement très endommagé.
Lors de travaux effectués devant la façade de l'église, un buste d'homme a été dégagé qui pourrait être celui du cavalier. De part et d'autre, les chapiteaux des colonnettes sont ornés de masques de monstres avalant le fût de la colonne, de feuillages et d'une main (sur le chapiteau de la colonne de droite). La voussure principale présente, dans des médaillons, des anges aux ailes déployées jouant un concert à la gloire de Dieu. Ils ont tous des attitudes différentes et élégantes. La précision de la sculpture permet de reconnaître leurs différents instruments : viole, flûte de pan, clochette, flûte, vielle, olifant, tympanon, triangle, sistre…
à l'intérieur de l'arcade de droite, neuf statues sont distribuées en deux registres (4 et 5). Les quatre personnages du registre supérieur tiennent des livres ou des phylactères (prophètes ou évangélistes ?). Au-dessous, un seul des cinq personnages est identifiable grâce à une inscription : il s'agit de saint Nicolas, patron de l'église. Deux cariatides, une danseuse et une musicienne, remplacent les habituelles colonnettes de l'arcature. Quant à la voussure, elle est animée par un cortège de douze personnages aux attitudes variées qui, malgré leur nombre, ont été assimilés aux vieillards de l'Apocalypse.
L'arcature centrale du second niveau abrite une baie d'axe en plein-cintre, plutôt petite, mise en valeur par deux séries de voussures. La première a un caractère ornemental (palmettes, rinceaux), la seconde raconte l'histoire du combat des Vices et des Vertus inspiré de la Psychomachie du poète latin et chrétien Prudence : des chevaliers aux boucliers effilés, dont certains sont marqués d'une croix, transpercent des monstres squelettiques. Les statues en ronde-bosse de saint Pierre et de saint Paul habillent les pieds droits de la fenêtre. Sur l'un des chapiteaux voisins paraît un buste de femme tenant deux disques ornés d'une croix : il s'agit vraisemblablement de l'église présentant l'Eucharistie.
Les artistes qui ont sculpté la corniche séparant les deux niveaux de la façade ont laissé libre cours à leur imagination : têtes animales et humaines toutes différentes, certaines grimaçantes, d'autres souriantes...
La multitude d'images qui orne la façade de l'église Saint-Nicolas de Civray rappelle aux fidèles qui se préparent à entrer dans le sanctuaire les grands messages chrétiens. à l'intérieur, le regard est attiré vers le chœur, où se célèbre le sacrifice, grâce à la lumière diffusée par la tour-lanterne de la croisée du transept. Les peintures murales dont Amédée Brouillet a couvert l'église en 1865 contribuent à donner à l'édifice une atmosphère très particulière : cortège de saints au transept ; Christ en Gloire et Vierge en Majesté accompagnés des apôtres dans le chœur.