© Alienor.org, Conseil des musées - www.alienor.org

Accés au sommaire | Page précédente

A Table !
Les français et la table du Moyen Age à l'aube des Temps Modernes


Moyen-Age :

Vaisselle de cuisine - vaisselle de table :

Le catalogue des formes du vaisselier médiéval évolue, même si il reste modeste, à partir du 13e siècle.
Les récipients s'adaptent à un usage précis (cuisson ou consommation, utilisation collective ou individuelle, modèle décoratif ou utilitaire).

La vaisselle utilisée pour la cuisine (le plus souvent des pots globulaires à cuire) est majoritairement réalisée en terre commune grise peu réfractaire, ne porte pas de décor (quelques bandes digitées parfois) et montre des traces de passage au feu.

Faisant la transition entre vaisselle de cuisine et vaisselle de table, la cruche (fragile mais produite en grande quantité), d'allure encore trapue, en pâte grise, est de plus en plus utilisée. Elle peut être à grand ou petit bec, à fond plat ou bombé, avec ou sans revêtement . Le col est relativement court et souvent évasé. Elle ne possède pas de pied.
La cruche se différencie du pichet par un bec verseur pincé et une panse qui lui confère une plus grande capacité. Tous deux pouvaient contenir de l'huile, de l'eau ou du vin) et servaient de mesure ou de pot à transvaser.

La vaisselle de la table proprement dite est majoritairement réalisée à partir des 13e - 14e siècles, en terre vernissée, même si le bois demeure utilisé.
On commence à y trouver une certaine fantaisie : couleur brune à rouge des pâtes oxydées, couverture glaçurée orangée, rouille ou verdâtre,décor en relief et polychrome. Les objets les plus remarquables peuvent s'exporter. Participant au décor de la table, elle permet au propriétaire de montrer son niveau social.

Préparer le repas :

La nourriture est essentiellement basée sur la production de céréales (froment, avoine, seigle et orge) complétée par quelques légumineuses (fèves, pois, lentilles) que l'on mange en soupes ou bouillies.

L'apport carné, souvent bouilli et parfois rôti au-dessus de la lèchefrite qui en recueille la graisse, est constitué par
les animaux d'élevage (bœuf, volaille, mouton) et complété par du petit gibier (lièvre, faisan, cailles, lapin), le gros gibier restant le privilège de l'aristocratie. Parmi les volailles, on trouve des cygnes et des paons très nombreux dans les fermes. Le pigeon reste un complément alimentaire apprécié par la noblesse.
Le poisson pallie l'absence de viande prescrite par l'Eglise pendant les cent jours de jeûne que compte l'année. Le pain est un aliment essentiel qui sert partout même à lier les sauces.

Pour ceux qui peuvent se les payer, les épices (indispensables à la consommation des aliments) sont très utilisées dans la gastronomie médiévale au point d'avoir laissé son nom à toute une catégorie de commerçants, les épiciers.

Au moyen-âge, la maison commune se compose d'une seule pièce mal éclairée, au sol en terre battue parfois recouvert de paille ou de branchages. Elle fait fonction de chambre, de salle commune et de cuisine. Le foyer ouvert à même le sol se trouve en général près de la porte pour une meilleure évacuation. Centre de la vie domestique, il est à la fois source de chaleur, de lumière, aire de
cuisson et lieu de consommation des plats. Le réchaud, posé près de l'âtre, permet de concentrer la chaleur
des braises, pour faire mijoter ou réchauffer les aliments.
Sauf pour les demeures aisées, la cheminée participe peu au confort de la maison avant le 15e siècle. Le poêle, par contre est très tôt adopté, par tous les milieux sociaux, des régions de l'Est.

Savoir recevoir :

Même dans les demeures les plus aisées il n'y a pas de pièce réservée aux repas.
La table est composée d'une simple planche posée sur des tréteaux. On dresse la table, que l'on recouvre d'un doublier (nappe pliée en deux), là où l'on désire manger. Les serviettes sont constituées par une longière, pièce de tissu étroite qui fait le tour de la table permettant aux invités d'avoir les genoux protégés et de s'essuyer la bouche ou les mains. Les convives sont placés d'un seul côté de la table selon leur rang, l'autre côté étant utilisé pour le service. On s'asseoit sur des bancs (le terme banquet vient de ce mot), la place d'honneur pouvant être marquée par un fauteuil (cathèdre).
Les plats sont apportés recouverts d'un linge, peut-être pour en garder la chaleur ou pour montrer aux hôtes que toutes les précautions ont été prises contre l'empoisonnement, d'où l'expression "mettre le couvert ".

L'argenterie et l'orfèvrerie des grandes maisons ne figurent pas sur la table mais sont disposés sur le dressoir. Il existe cependant une pièce de prestige posée devant le prince lors des repas : la nef de table. Véritable chef d'œuvre d'orfèvrerie en forme de bateau dont le pont, formant couvercle avec la porte, sert au rangement des " couverts " du prince, des épices précieuses et des contrepoisons corne de licorne, crapaudine, langue de serpent réputées pour changer de couleur ou de saigner au contact d'aliments empoisonnés.

On mange avec les doigts, les cuillères présentent sur la table ne servant qu'à prélever les sauces de l'écuelle où elles sont présentées au tranchoir (tranche de pain épaisse, ancêtre de l'assiette).

Le couteau est un objet personnel, porté à la ceinture. Il ne fait pas partie du service de table. L'Officier ou Escuyer-tranchant présente la viande aux convives préalablement découpée en menus morceaux ou en fines lamelles. On boit dans des gobelets ou plus rarement dans des verres à tiges (dans les cours princières ou ecclésiastiques).

Aucun de ces objets n'est d'usage individuel. Même lors de banquets fastueux, entrecoupés de nombreux intermèdes dansés ou musicaux (les entremets), chaque convive dispose au mieux d'un tranchoir par personne, et d'une écuelle pour deux.

Rennaissance :

Côté cuisine :

Si le tranchoir, l'écuelle et la cuiller demeurent les éléments essentiels de la table, les progrès, au 16e siècle, ne sont cependant pas négligeables et traduisent les évolutions de l'époque en matière de confort, d'hygiène et de goût.

En même temps que le catalogue des formes se diversifie (on passe des formes fermées à des formes ouvertes), un type nouveau de marmite à anses cylindriques que l'on peut suspendre à une crémaillère se développe. A cette époque, la cheminée se popularise dans les demeures urbaines. Le revêtement glaçuré, jusque-là uniquement présent sur la vaisselle de table, commence à recouvrir l'intérieur des récipients culinaires assurant imperméabilité et propreté. La glaçure se pare désormais de couleurs franches et vives grâce à l'adjonction d'oxydes métalliques (plomb, cuivre).

Mais laissons à Gilles Corrozet (1510-1568) auteur des Blasons domestiques (1539) le soin de détailler ce que l'on doit trouver dans une cuisine digne de ce nom.

" En la cuysine est assez convenable,
D'avoir ung banc et une vieille table,
Et ung buffet à mettre la vaisselle,, …

" En la cuysine on voit pintes voller,
Quartes et brocs et vaisselle rouller
Comme grandz plats, escuelles et assiettes...

" Là sont couteaulx pour détrencher et fendre,
Là ne se peult le gras mouton deffendre,
Ne beuf, ne veau, qu'il ne soit mis en broche
Ou en bouillon………………………........

Devant le feu sont les potz et marmites,
Où sont bouillis tant de divers potages
Selon les temps et différentz usages.
Là aussi sont les pouldres et espices,
Boudins, jambons, andouilles et saulcisses ;
Les saupiccquetz pour les gens dégoustez,
Le four aussi et les frians pastéz.

" …………….............O cuisine friande !
On trouve en toy de chascune viande.
"

La cuisine de la Renaissance apporte,dans les milieux aisés, les aliments du Nouveau Monde (tomates, haricots, maïs, vanille, dindon, pintade) mais le régime alimentaire des gens modestes repose toujours sur les céréales, les légumes préparés en soupe et le pain. La viande est réservée pour les grandes occasions et le lard, agrémenté de quelques escargots, constitue le repas dominical.

Les nouveautés :

L'assiette, telle que nous la concevons aujourd'hui est une nouveauté de l'époque, mais son usage reste très limité. En 1536, est passée la première commande royale ; elle ne se compose que d'une demi-douzaine d'assiettes... Le chauffoir de table, contenant braises ou eau chaude, se démocratise.

La fourchette est introduite en France par Catherine de Médicis. A deux dents, elle se limite au découpage des viandes et à sortir la nourriture des plats. Elle se complètera, dans la seconde moitié du 17e siècle, de deux dents supplémentaires et il faudra attendre la fin du 18e siècle pour que son utilisation soit vraiment répandue.

Dans les riches demeures urbaines la terre cuite, se rencontre toujours mais est réduite à un rôle de plus en plus modeste face à la faïence. Celle-ci s'est développée dans l'islam et parvient en Espagne au Moyen âge via les maures pour ensuite gagner l'Italie où elle se répand et acquiert ses lettres de noblesse. Ce sont les fameuses majoliques appelées faïences à Faenza ville spécialisée dans cet art au 15e siècle.
En France la première faïencerie ouvre en 1530 à Rouen. Seule une clientèle restreinte peut s'offrir ce genre de service de table qui deviendra vite synonyme de luxe.

Complément indispensable de la céramique, l'usage du verre se généralise dans toutes les cours princières. On trouve d'élégants verres à pieds, des coupes, des gobelets dont le décor, formé de pastilles moulées ou de filets polychromes, est largement diffusé.

Dans son organisation, la table de la Renaissance prolonge celle du moyen-âge. On adopte peu à peu un mobilier fixe, tables à abatants (d'abord rondes à pieds central, lourdes et ouvragées, elles garderont longtemps une fonction décorative), fauteuils et tabourets remplacent les bancs.

A la fin du 16e siècle paraît De civilitate morum puerlum d'Erasme, un traité sur les bonnes manières à table qui prennent de plus en plus d'importance face à l'apparat ou le nombre des mets servis. La notion de civilité, promise à un bel avenir dans les siècles suivant, apparaît.

 

Les Temps Modernes :

La vaisselle commune :

Elle est essentiellement fabriquée, selon les régions, en grès (apparu dès le 13e siècle et qui se développe à partir du 16e siècle) et en céramique à glaçure verte présente, en général, sur la face interne et le bord externe de la lèvre, afin de faciliter l'écoulement des liquides et de corriger leur porosité. Certaines pièces destinées à la présentation de la table (soupières, pichets…) portent également une glaçure sur la face externe.

On rencontre aussi au début du 18e siècle, des pièces réalisées en faïence brune. Celle-ci, de facture grossière, est réservée à un usage domestique. Elle a la particularité de bien résister à la chaleur et d'être d'un coût très inférieur à celui de la faïence blanche.
Les formes les plus caractéristiques sont les pâtés, les théières, cafetières et chocolatières, les pichets, les tasses globulaires…Elles sont rarement polychromes, leur décor, régulier, se répète de pièce en pièce.

Faïence et porcelaine :

La faïence est une poterie à pâte opaque (colorée ou blanche), tendre, à texture lâche et cassure terreuse, recouverte d'un émail opaque le plus souvent stannifère.

Au cours du 17e siècle elle prend son essor en France. Sa production est très localisée (Lyon, Rouen et Nevers) et concerne des produits de luxe. Au 18e siècle, la faïence est de plus en plus fréquente dans les foyers.

Blanche ou très légèrement décorée, elle est utilisée pour le service et la consommation des aliments courants. Polychrome avec un décor couvrant, elle est destinée à un usage plus fastueux ou purement décoratif.
Le revêtement est, au 17e siècle, épais, onctueux et structuré. Les formes rappellent les majoliques italiennes
(tondino, vases, balustre, coupes godronnées…).
Au siècle suivant, devenant un produit courant et bon marché fabriqué par de nombreuses manufactures, les glaçures se font moins épaisses et plus lisses. Les formes se simplifient et sont réservées au service de tous les jours.

La porcelaine, moins fragile et plus stable devant une utilisation répétée, fut découverte par Marco Polo en Chine au 13e siècle. Elle n' apparaît en France qu'entre 1660 et 1675. Grâce à la Compagnie hollandaise des Indes crée en 1602 et à la Compagnie française des Indes orientales, les pays européens connaissent des importations massives de porcelaines.La première manufacture de porcelaine européenne est fondée en 1709 suite à la découverte à Meissen d'un gisement de kaolin. Elle s'inspire des modèles chinois et de l'orfèvrerie.

La découverte d'un gisement de Kaolin près de Limoges au milieu du 18e siècle permet à la France de créer ses propres pièces. Celles de la Manufacture royale de Sèvres deviennent vite des modèles.

Réalisée en pâte tendre ou dure, les décors qu'elle propose : oiseaux (inspiré des dessins du naturaliste Buffon), fleurs en bouquets ou guirlandes (d'après les peintures de Bouchers ou Téniers) remportent un tel succès que les commandes affluent de l'Europe entière. Au cours du 18e siècle, beaucoup de manufactures éclosent définissant chacune un style. Une des plus connues est celle de Limoges.

Naissance de la gastronomie :

Avec la publication en 1651 du Cuisinier français de La Varenne, la gastronomie française est en train de naître. L'ouvrage met à la disposition du cuisinier tout un éventail de composants de base (bouillons, liaisons, farces, mélanges d'herbes et d'épices) que l'on peut préparer à l'avance et adapter suivant ses besoins, ses possibilités du moment, ses envies….

Au 17e siècle, rien n'est laissé au hasard sur la table. De nombreux manuels de civilités sont publiés annonçant un raffinement qui se confirmera au 18e siècle. La disposition, la succession des mets et la composition des menus obéissent à des normes strictes. Tous deux font partie de la tâche du maître d'hôtel dont l'insigne distinctif est la serviette blanche pliée en long et posée sur l'épaule gauche

L'attribution à chacun d'un couvert individuel est la grande nouveauté de l'époque. Devant chaque convive est placé un couvert composé d'un couteau (Richelieu en a fait arrondir la lame, agacé par les gens qui se curaient les dents avec la pointe du couteau), d'une fourchette, d'une assiette, d'une timbale et d'un bol à bouillon.

Le verre n'est pas systématiquement posé sur la table mais peut être disposé sur une desserte à côté des bouteilles placées dans des rafraîchissoirs. La personne qui désire se désaltérer envoie un serviteur chercher un verre (il faudra attendre le 19e siècle pour que soit adopté l'usage de disposer à table
d'un, puis, de plusieurs verres).

Le repas à la " française " comporte au minimum trois services composés d'une multitude de plats. Plus le personnage qui reçoit est important, plus le nombre de service augmente. Un festin courant à la table de Louis XIV offre cinq services de cinquante plats chacun.

Au 18e siècle, le raffinement de la table supplante l'abondance. On préfère le souper intime où mets délicats et vaisselle de fine porcelaine contribuent
à créer une atmosphère élégante. La cuisine devient affaire de spécialistes. Les viandes sont cuites individuellement, les légumes présentés séparément, les pâtisseries et les desserts se diversifies.

Témoins de ces nouveaux usages, les couverts (fabriqués en acier, métal argenté, argent massif ou vermeil) s'enrichissent de la fourchette à huître, la pelle à servir le poisson, la fourchette à gâteau, la cuillère à sucre...

L'engouement pour le bien manger devient un phénomène de société. Des cuisiniers louent leurs services en proposant et préparant les plats que les riches bourgeois désirent voir figurer sur leur table. La grande cuisine commence à sortir du cadre des demeures aristocratiques.

Le premier restaurant est ouvert en 1765. Le mot, qui désignait alors un type de préparation, s'élargit au lieu où ces plats sont disponibles de manière permanente et servis sur des tables séparées. A la Révolution, beaucoup de cuisiniers qui travaillaient au service de la noblesse ont pu trouver du travail dans ce type d'établissement.