Le cuivre... à l'épreuve du feu

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Note : la présence d'une astérisque après un mot signale la description de ce dernier dans la partie "Lexique".

Les débuts de la métallurgie du bronze

La découverte du cuivre natif

Les premières productions en métal  sont attestées  à partir de la fin du VIIe  millénaire avant notre ère  en Anatolie.  Il s’agit d’objets réalisés en cuivre natif, sans procédé technique faisant intervenir une chauffe à haute température. Le cuivre est récolté sous forme de pépites brutes, malléables et donc facilement transformables par martelage. Le cuivre étant plus facile à travailler à chaud, les premiers métallurgistes ont dû améliorer les procédés de montée en température jusqu’à obtenir la fusion* du métal. Fortuitement ou intentionnellement,  cela leur a permis de réaliser de nouvelles formes d’objets, reproductibles à l’infini grâce au moulage. Cette découverte marque  les débuts d’une réelle métallurgie*.

Exploitation des minerais de cuivre et d’étain

La métallurgie "réelle" implique des procédés pyrotechniques* permettant d’extraire le métal du minerai* de cuivre et ainsi, de s’affranchir de la rareté du cuivre natif. Ces techniques apparaissent dans les Carpates et les Balkans durant les VIe et Ve millénaires et au cours des IVe et IIIe millénaires avant notre ère dans l’arc alpin et le midi de la France.  Durant plusieurs siècles entre la fin du Néolithique et le début de l’âge du bronze (période appelée Chalcolithique*), les artisans qui travaillent le cuivre, par les matériaux et les techniques qu’ils utilisent, préparent un terrain largement favorable à la métallurgie du bronze.

Les plus anciennes traces de métallurgie du bronze se retrouvent une fois de plus en Anatolie et en Égée autour du IIIe millénaire avant notre ère. La production et l’usage de ce nouveau métal empruntent des itinéraires de diffusion similaires à ceux du cuivre quelques millénaires auparavant. La diffusion est néanmoins beaucoup plus rapide puisque, au tout début du IIe millénaire avant notre ère, l’usage de cet alliage est attesté dans pratiquement toute l’Europe.

Le bronze

Le bronze, est un alliage* de cuivre et d’étain, mélangés dans des proportions variables (environ 90% de cuivre pour 10% d’étain) suivant les objets fabriqués. Les ressources en minerai étant inégalement réparties,  la généralisation de la pratique de cette métallurgie implique et voit la mise en place d’importants réseaux d’échanges entre les communautés où les métaux nécessaires à l’alliage vont circuler abondamment.

Diffusion des objets et des techniques.

En France, ce métal apparaît au cours du IIe millénaire avant notre ère, et son développement marque les premiers temps de l’âge du bronze (2300/2200 – 800/750 avant notre ère), que l’on a périodisé en trois temps : bronze ancien (2300/2200 – 1700/1650 avant notre ère), bronze moyen (1650 - 1350 avant notre ère) et  bronze final (1300/1350 – 800/750 avant notre ère). Il s’agit bien entendu de "dates repères" significatives, susceptibles de varier selon les zones géographiques considérées.

Cette innovation majeure va entraîner d’importants changements socioéconomiques dans les sociétés issues du Néolithique. Les objets en métal et leur circulation vont devenir l’apanage des élites qui constituent de vastes réseaux d'échanges à travers l'Europe, contribuant ainsi à développer et à pérenniser de nouveaux et puissants pouvoirs "politiques". C’est notamment dans le domaine funéraire que s’expriment clairement cette forte hiérarchisation de la société et les nouvelles idéologies qui y sont liées.

La métallurgie du bronze : la chaîne opératoire de production

Rappelons ici que le bronze est un alliage de cuivre et d’étain, que l’on obtient à partir de minerais réduits.  Pour le cuivre, on va pouvoir utiliser différents minerais, la chalcopyrite, la malachite ou la cuprite. Pour l’étain, le principal minerai utilisé est la cassitérite.

La connaissance de la chaîne opératoire de réduction de minerai et de fabrication d’objets en bronze a pu être mise en évidence d’une part grâce aux vestiges archéologiques (foyers de réduction ou de bronziers, tuyères, creusets, moules, etc.) mais également par de nombreux travaux d’expérimentation*.

Le minerai, quel qu’il soit, est préalablement concassé. Cette première étape permet de réaliser plus facilement la réduction et pour cela, la chaleur nécessaire se situe entre 800 et 1 200°C.
Cette opération requiert un foyer de réduction : cercle de pierres scellées par de l’argile ou petite cuvette tapissée d’argile, dans lequel l’apport d’oxygène se fait avec un système de tuyères* et de soufflets. Le combustible utilisé est le charbon de bois, au pouvoir calorifique plus important que le bois brut.
La durée de l’opération est variable, suivant les minerais employés et les systèmes de montée en température.
Il faut compter quelques heures avant que le métal se liquéfie et coule dans le fond du foyer, où il forme une matte*.

Pour obtenir du bronze, le cuivre et l’étain sont fondus dans un creuset*. Le matériel utilisé diffère peu du dispositif nécessaire à la réduction (foyer réfractaire*, tuyères et soufflets). La température de fusion du bronze se situe autour de 1 000°C, et celle de coulée, idéale pour une bonne fluidité du métal, autour de 1 200°C. Le bronze ainsi liquéfié peut alors être coulé dans des moules pour obtenir des lingots ou des objets.

Les moules peuvent être en pierre, monovalves ou bivalves*, en bronze, ou en argile. Pour ces derniers, on utilise la technique dite de la cire perdue. L’objet est d’abord réalisé en cire, puis englobé dans de l’argile réfractaire, en dégageant un orifice de coulée. Le moule est ensuite séché, puis cuit : c’est le décirage, opération au cours de laquelle la cire fond et s’écoule pour libérer le négatif de l’objet. Le métal est ensuite coulé dans le moule, qu’il faut briser pour récupérer l’objet en bronze. Les pièces ainsi obtenues sont uniques mais cette technique permet la réalisation d’objets complexes.

Quelles que soient les techniques utilisées pour le moulage, les objets devront être soigneusement ébarbés, limés, et polis à l’aide de polissoirs en grès avant d’être achevés. Ils peuvent aussi être décorés : incisions, estampage, ciselure, etc..

Au cours de l’âge du bronze les techniques de fabrication d’objets vont se diversifier et engendrer l’apparition de nouvelles spécialisations autour de cet artisanat : le travail de la tôle de bronze avec la dinanderie (les récipients, cuirasses, casques…), l’orfèvrerie et la création de bijoux complexes, ainsi que la mise en place de vastes réseaux d’approvisionnement et de distribution.

Chronologie de l’âge du bronze

De 2 300 /2 200 av. J-C jusqu'à 1 700/1 650 av. J-C: bronze ancien

L’habitat du bronze ancien se compose de grands bâtiments allongés aux extrémités en forme d’abside à plusieurs nefs* (nord de la France) ou de bâtiments de taille plus réduite et de plan quadrangulaire (zone alpine, vallée du Rhône). Ce sont des maisons à ossature bois et murs de torchis, la pierre étant très peu utilisée dans les constructions. La toiture est réalisée à partir d’éléments végétaux.

Outre l’introduction du bronze dans les sociétés et les changements socioéconomiques liés, on assiste à un développement technique en matière de taille du silex : pointes armoricaines, poignards et haches polies dont la production se maintient au cours de cette période. Parallèlement, un outillage simple, peu investi, perdure (grattoirs, éclats retouchés ou denticulés).

Dans le domaine de la poterie, les cuissons sont de meilleure qualité, plus homogènes et mieux conduites, mais l’usage de réels fours de cuisson n’est pas encore généralisé.

Pour ce qui est des pratiques funéraires, on a recours généralement à l’inhumation individuelle, au sein de nécropoles structurées (tumulus ou tertre, enclos). Les défunts sont très souvent accompagnés d’un important mobilier métallique. L’incinération existe mais reste marginale.

De 1 700/1 650 jusqu'à 1 350 avant notre ère: bronze moyen

L’habitat voit la disparition des grands bâtiments au profit de constructions plus réduites avec parfois une extrémité en abside et un pignon droit et généralement deux nefs.

C’est au cours de cette période que s’intensifie et que s’organise la production métallurgique. Cette activité va prendre un caractère protoindustriel. Les techniques de fonte s’améliorent (moules en pierre, fonte à la cire perdue et plus rarement moule en bronze) et permettent désormais d’obtenir en série des objets aux formes plus complexes. L’utilisation du bronze se généralise largement au détriment de l’outillage en silex. Cette intensification de la production contribue à une circulation des objets sur des distances considérables.

Les techniques liées à la céramique vont connaître également un essor : on a désormais recours à des structures de cuisson pérennes (fours à sole perforée) et des techniques de décor nouvelles comme l’excision ou la peinture se développent largement.

Les pratiques funéraires semblent peu éloignées de celles du bronze ancien : l’inhumation individuelle sous tumulus continue à côtoyer quelques incinérations marginales.

De 1 350 jusqu'à 800/750 avant notre ère : bronze final

L’habitat du bronze final connaît de nouvelles mutations : davantage tourné vers la sphère familiale, la taille des maisons se réduit encore (largeur : 10 m ; longueur 4 à 6 m) et l’intérieur est désormais libre de circulation avec une seule nef.

Du point de vue des techniques liées à la métallurgie du bronze, on constate un développement singulier du travail de la tôle de bronze. Apparaissent alors de nouvelles activités comme la dinanderie (travail de la tôle pour la confection de cuirasses, casques ou chaudrons) ou le tournage (notamment pour les épingles). Ces activités nécessitent un cuivre plus pur qui va circuler intensément sous forme de lingots et on utilise désormais la balance à fléau pour le dosage des alliages.

L’incinération devient la règle au cours de cette période : le corps du défunt est brûlé, accompagné parfois d’objets métalliques. Les restes sont récupérés sur le bûcher et déposés dans une urne en terre cuite, laquelle rejoint ensuite une fosse où elle peut être accompagnée d’offrandes. Sur le plan symbolique, on constate également à cette période une multiplication sensible des dépôts d’objets en bronze, regroupant souvent un nombre important d’objets enterrés (objets entiers et fragments destinés à la refonte).

Lexique

Alliage : il s’agit d’une association d'un ou plusieurs métaux fondus avec un métal de base afin de donner à celui-ci des qualités nouvelles. Dans le cas du bronze, l’alliage de cuivre et d’étain en fait un matériau très résistant de couleur dorée.

Cassitérite : il s’agit d’un oxyde d’étain que l’on trouve dans les roches magmatiques. C’est le principal minerai d’étain utilisé à l’âge du bronze.

Chalcolithique : désigne une période où un outillage principalement en pierre peut être complété par des objets en cuivre. C’est la période qui caractérise certaines cultures de la fin du néolithique au début de l’âge du bronze.

Creuset : récipient en argile réfractaire servant à la fusion du métal. C’est un élément décisif du procédé technique de fonte puisqu’il doit résister à des températures très élevées  et également pouvoir être déplacé avec le métal en fusion pour la coulée.

Expérimentation : méthode scientifique consistant à tester par des expériences répétées la validité d’hypothèses et à obtenir des données quantitatives et qualitatives permettant de les affiner.

Fusion : désigne le passage d’un élément de l’état solide à l’état liquide. La température de fusion du bronze se situe autour de 1 000°C.

Matte : masse de métal et de scories issue de la réduction du minerai.

Métallurgie : ensemble des techniques et des procédés thermiques mis en œuvre pour extraire les métaux de leurs minerais, élaborer des alliages et produire des objets à partir de ces mêmes métaux.

Minerai : il s’agit d’une roche contenant du métal en proportion plus ou moins importante.

Moule bivalve : objet façonné en creux destiné à recevoir une matière fondue qui, solidifiée, devient la réplique d'un modèle en relief. Le moule bivalve est composé de deux parties, assemblées pour la coulée et désolidarisées pour le démoulage de l’objet.

Nef : partie de la maison située entre les deux murs latéraux. Dans le cas d’habitations à plusieurs nefs, elles sont séparées par des cloisons perpendiculaires aux murs latéraux.

Pyrotechniques : désigne les techniques liées à l’utilisation du feu.

Réduction : opération permettant d’extraire le métal du minerai. Ce  procédé passe par l’utilisation d’un four ou foyer de réduction et de systèmes de ventilation.

Réfractaire : pouvant résister à de fortes températures.

Tuyères : il s’agit d’un conduit, réalisé en argile réfractaire,  permettant de transmettre l’air propulsé des soufflets vers le foyer de réduction de fusion.


Bibliographie sommaire

BARGE H. Saint Véran, la montagne, le cuivre et l’homme in L’âge du bronze dans la moitié sud de la France. Actilia Multimedia, 2003.

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