Saint-Jouin-de-Marnes
L'abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes a été fondée au IVe siècle par l'ermite Jovinus. Le lieu s'appelait Ension et devint Saint-Jouin-de-Marnes au Xe siècle en souvenir du fondateur de l'abbaye. C'est une des plus anciennes et des plus grandes abbayes du Poitou. C'est également l'une des constructions les plus abouties. Bâtie aux XIe et XIIe siècles, l'église se compose d'une nef à collatéraux longue de dix travées, d'un transept et d'un chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Ce plan est caractéristique des édifices romans de la région où les architectes résolvent le problème de la stabilité de l'édifice en épaulant la voûte centrale de la nef par les voûtes des collatéraux.
Le chœur et une grande partie de la nef ont reçu des voûtes gothiques au XIIIe siècle. L'édifice a subi des restaurations conséquentes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle
C'est l'extérieur de l'édifice qui retiendra notre attention.
Juché sur un promontoire, le chevet présente une superposition impressionnante des volumes. Les arcs-boutants, les chapelles rayonnantes, le déambulatoire avec sa couronne de modillons sculptés et l'abside sont dominés par le clocher carré à deux étages percés de baies géminées. Le massif transept a été surélevé et fortifié à la fin du Moyen Âge.
La façade occidentale est un des exemples les plus parfaits de l'art roman en Poitou. Annonçant le plan intérieur, des contreforts simples au rez-de-chaussée et jumelés à l'étage font ressortir le jeu des ouvertures. Aux extrémités de la façade, des faisceaux de colonnes à chapiteaux richement sculptés supportent deux clochetons au toit en écailles. Les surfaces planes au bel appareillage décoratif carré, en losanges, en chevrons, en écailles alternent harmonieusement avec les surfaces sculptées.
Le programme iconographique se déploie avec un souci de clarté, d'équilibre et de lisibilité étonnant. Le thème est le Jugement dernier. Les hommes sont évoqués dans la partie inférieure, puis on monte avec les intercesseurs jusqu'au Christ rédempteur. Tout se concentre pour s'élever jusqu'à Lui.
Les voussures du portail sont ornées de feuillages, d'animaux stylisés, de scènes des travaux des mois dont certaines sont très mutilées : janvier, un personnage est assis entre deux portes représentant l'année qui se clôt et celle qui commence ; février, un homme se chauffe auprès du feu ; mars, c'est la taille de la vigne ; octobre, on entonne le vin ; novembre, c'est l'abattage du porc ; décembre, le festin.
De part et d'autre de la grande fenêtre, trois statues représentent de bas en haut : un ange, un personnage tenant un livre (saint Jouin ?), une annonciation à droite ; saint Paul, saint Jean et l'Église à gauche.
Au sommet des colonnes jumelées se trouvent deux hauts-reliefs. à droite, Samson domptant le lion qu'il chevauche en lui ouvrant la gueule grâce à sa force, symbole de la victoire du bien sur le mal. à gauche, un cavalier, thème propre à la région Poitou-Charentes dont la signification a donné lieu à de nombreuses interprétations : Constantin, Charlemagne, seigneur local ou réplique en pierre de la statue équestre en bronze (autrefois doré) de Marc-Aurèle au Capitole à Rome.
Au-dessus des fenêtres latérales figurent deux paysans et les symboles des évangélistes : l'ange de Mathieu, le lion de Marc, l'aigle de Jean et le taureau de Luc. Les deux paysans sont flanqués à leur droite de la Luxure aux seins dévorés par des serpents.
Enfin, au fronton, une composition magistrale évoque le Jugement dernier. Le Christ en majesté adossé à la croix est entouré d'anges sonnant trompette. Il a les mains ouvertes en signe d'accueil. Au pied de la croix prennent place deux pèlerins agenouillés et la Vierge médiatrice. En dessous, en une magnifique frise, deux cortèges de paysans, de moines et de seigneurs s'avancent vers la Vierge implorant son intercession. C'est une vision paisible du Jugement dernier qui n'a rien à voir avec les versions redoutables où sont représentés les élus et les damnés.
Dans la scène de l'Annonciation, la Vierge, surprise par la visite de l'ange, laisse glisser sa quenouille de sa main droite. La frise du cortège des élus est animée et pittoresque. Ils avancent d'un pas décidé vers la Vierge, quelques-uns se retournent vers leurs compagnons qui, étonnés, lèvent les bras.