Église Saint-Michel-d'Entraygues
Nous sommes devant un monument qui a fait couler beaucoup d’encre. En effet, le plan octogonal de l’église Saint-Michel est très original tant en France que dans la région Poitou-Charentes. Située entre trois cours d’eau — inter aquas — dont la Charente au nord, et dédiée à Michel, le prince des anges qui a vaincu Satan, l’église a été édifiée à partir de 1137 par les chanoines réguliers augustins du monastère de La Couronne, tout proche, pour recevoir les pauvres selon la chronique de l’abbaye « ad recipiendum inibi Christi pauperes ». Les Augustins ont multiplié les établissements hospitaliers et Saint-Michel d’Entraygues est sur une route secondaire de la « via santonis » pour le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. C’est un raccourci qui, depuis Poitiers, passe par Charroux, Angoulême et Aubeterre pour rejoindre La Réole. Devenue paroisse au XIIIe siècle, l’église a subi les tourments des guerres de Religion. Les voûtes se sont effondrées au XVIIe siècle. Classée au titre des Monuments Historiques en 1841, elle a été restaurée par l’architecte Paul Abadie de 1848 à 1853. Si le premier niveau est dans son ensemble du XIIe siècle, toute la partie supérieure a été refaite, voire réinterprétée par l’architecte.
L’église Saint-Michel se présente comme un octogone dont chaque face s’ouvre sur une absidiole.
Le soubassement des murs a été repris par Paul Abadie et les blocs romans allongés se distinguent nettement des pierres modernes. Le décor est concentré sur l’absidiole occidentale qui abrite le portail et l'absidiole orientale qui reçoit le sanctuaire. Le portail en plein-cintre possède un tympan orné d’une représentation de L’ange terrassant le dragon qui est une des plus belles pages de la sculpture romane en Charente. L’archange Michel, aux ailes largement déployées, piétine et transperce de sa lance le dragon, symbole du mal, qui est ici un serpent ailé dont la queue s’enroule en anneaux. La composition est dynamique, nerveuse, élégante et s’adapte parfaitement au cadre du tympan. Une inscription en lettres onciales borde le tympan : « faltum (pour factum) est proelium in coelo michael proeliabatur cum dracone » (il y eut alors un combat dans le ciel, Michael — et ses anges — combattirent contre le dragon). La tête de l’ange a été refaite lors des restaurations par le sculpteur Michel-Pascal.
Les tympans sculptés sont rares dans la région et le thème du Combat de l’ange illustre le plus souvent des chapiteaux comme, par exemple, celui de la cathédrale d’Angoulême.
À Saint-Michel d’Entraygues pas de ronde-bosse comme à Nanteuil mais un modelé très linéaire et tendu. Le portail est placé entre deux séries de cinq arcatures aveugles qui prennent appui sur un soubassement et se prolongent sur les absidioles voisines. Les arcs sont ornés de feuillages entrelacés d’une manière inventive et très décorative.
Les chapiteaux reçoivent un décor d’inspiration végétale, d’animaux fantastiques et de motifs disposés de façon à souligner les angles.
En contournant les absidioles, remarquez la corniche à modillons sculptés de masques humains, d’animaux et de sujets satiriques et grotesques. Beaucoup de modillons ont été refaits par Paul Abadie. L’ordonnance du portail est reprise avec la même élégance sur l’abside orientale qui tient lieu de chevet.
À l’intérieur de l’édifice, l’ampleur des volumes affirme la majesté du lieu. Une arcade en plein-cintre aux chapiteaux sculptés reposant sur des colonnes monolithes (leurs fûts sont taillés dans un seul bloc de pierre) marque l’entrée des absidioles qui sont éclairées par une fenêtre en plein-cintre et couvertes en cul-de-four. L’absidiole orientale se distingue par un décor plus soigné qui souligne sa fonction de chœur avec sa fenêtre encadrée de trois colonnettes dont les chapiteaux supportent un bandeau biseauté. La totalité des voûtes est l’œuvre de Paul Abadie. Les chapiteaux des colonnes monolithes sont d’origine dans la proportion de 5 sur 8 comme l’a démontré L.-B. Lafarge dans son mémoire de maîtrise en 1994. Ils sont ornés d’un décor végétal typique de l’Angoumois. Quelques-uns ont été déposés près de l’entrée de l’église.