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Vue du chevet de l'église Saint-Denis de Lichères Longitude : 0.22865
Latitude : 45.90268
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Prieuré Saint-Denis de Lichères

Ce village de quelques centaines d’habitants abrite un des joyaux de l’art roman en Charente, le prieuré-cure Saint-Denis, érigé dans la première moitié du XIIe siècle par les moines de l’abbaye de Charroux. À l’approche de l’édifice, l’ampleur du massif oriental (chevet, transept) surprend par rapport aux dimensions de la nef qui, avec quatre travées de profondeur, paraît très courte. La nef mesure quatorze mètres de long tandis que les bras du transept font une saillie de sept mètres de chaque côté, ce qui donne l’impression d’un édifice « trapu ». L’effondrement du clocher au XVIIIe siècle a provoqué la destruction du côté nord de l’église, de la coupole et des voûtes de la nef. Lorsque l’église a été classée au titre des Monuments Historiques, en 1903, ces différentes parties ont été refaites à l’identique en prenant appui sur les anciennes fondations.

La façade est rythmée par quatre contreforts qui séparent le portail central de deux petites arcatures aveugles. Le portail mérite toute l’attention. Il possède, comme à la cathédrale d’Angoulême, un tympan sculptéTympan sculpté, ce qui est très rare dans notre région. Celui de Saint-Denis s’inscrit dans la voussure très décorée du portail et il est supporté par un arc au profil très surbaissé. La forme de l’arc est reprise par l’intrados concave du tympan, ce qui lui donne une allure originale et détermine l’organisation du décor : l’Agneau nimbé tenant le LivreDétail du tympan dans un médaillon tenu par deux anges aux ailes éployées. Aux extrémités prennent place deux personnages en buste dans des médaillons et deux rosettes. L’arc qui supporte le tympan est orné de palmettes grasses.Décor à plamettes grasses

Les deux anges semblent danserUn des deux anges, ils sont proches de ceux qui, sur la façade de la cathédrale d’Angoulême, sont situés de part et d’autre de l’Arbre de Vie. La même comparaison peut se faire entre le décor d’animaux fantastiques évoluant dans les rinceaux de la voussureDétail de la voussure et certaines frises de la cathédrale.

Les chapiteaux du portailUn exemple de chapitaux du portail sont sculptés de feuilles d’acanthe inspirées de la tradition Antique. L’artiste ne les copie pas, mais s’est approprié le motif et le métamorphose au gré de son imagination jusqu’à le rendre difficilement identifiable.

Chapiteau

Chapiteau à décor de palmettes provenant de la cathédrale d'Angoulème (Le Musée d'Angoulème).

À Saint-Denis, le feuillage gras, entrelacé, rappelle celui de certains chapiteaux conservés au musée des Beaux-Arts d’Angoulême et provenant de l’abbaye de Beaulieu.

 

Les tympansUn des deux tympans latéraux des petites arcatures latérales sont sculptés d’animaux quasiment en ronde-bosse. De leurs bouches émergent des végétaux et leurs queues se terminent en palmette. Les artistes puisent leurs modèles dans les bestiaires, recueils d’animaux réels ou imaginaires avec leur signification morale et religieuse.

SculptureTombeauTympanTympan

Il n'est pas toujours facile, de nos jours, d'interpréter de telles représentations. Parmi les animaux exotiques, le lion est le symbole de l'évangéliste Marc, mais également du Christ. Il peut aussi caractériser le pouvoir de Satan sur l'âme humaine et le châtiment qui résulte de la tentation. Il est souvent représenté dans la sculpture et donne lieu à des compositions très décoratives.

Avant de pénétrer dans l’édifice, examinons le mur sud épargné par l’effondrement du XVIIIe siècle. Il est rythmé par de puissants contrefortsLe mur sud et ses contreforts (détail) entre lesquels s’ouvrent d’élégantes fenêtresDétail d'un mur sud : une fenêtre intégrées à de hautes embrasures en arcade. Au-dessus, les modillons de la corniche offrent un répertoire qui illustre la fertilité de l’imagination des sculpteurs :
personnagesModillon à figure humaine, animauxModillon figurant un oiseau et figures fantastiquesModillon fantastique figurant une gueule monstrueuse dévorant un serpent. Le mur du chevet est animé par une série d’arcatures aux chapiteaux sculptés de feuillagesChapiteau à décor de feuillage, de palmettesChapiteau à décor de palmette et d’animauxChapiteau figurant un lion. Remarquez la disposition du chevet très particulière à l’Angoumois, avec des absidioles accolées à de petites constructions rectangulaires unies sous une même couverture. Ces édifices rectangulaires sont en fait des couloirs donnant accès à l’abside. Ils sont percés d’oculi qui sont des petites fenêtres rondes. Le rôle de ces ajouts est plus lisible à l’intérieur de l’édifice (voir photoEspace dégagé entre le chœur et une absidiole du transept). Une transenne à motifs géométriquesLa transenne du transept sud (fenêtre de pierre ajourée généralement antérieure à l’époque romane) est conservée sur le transept sud.

En pénétrant dans l’église, le rapport entre les dimensions de la nef et du transept donne l’impression que celle-ci s’élève d’ouest en est jusqu’à la croisée du transept et s’élargit. Sylvie Ternet a étudié pour sa thèse les églises romanes en Angoumois et a mis en évidence une différence de hauteur de 0,35 m entre les colonnes occidentale et orientale de la nef. L’effet paraît renforcé par l’étroitesse des collatéraux qui, exemple unique en Charente, sont séparés du vaisseau central par de simples colonnes rondes. Ces colonnes supportent des chapiteaux lisses à crochetsUn chapiteau d'une colone de la nef, ce qui constitue à nouveau un archaïsme qui caractérise des édifices anciens du haut Poitou. Généralement les piles sont composites (ensemble de piliers et de colonnes engagées) pour recevoir les arcs-doubleaux des voûtes.

Or, ici, il apparaît que la voûte formait un berceau continu.

Chapiteau à corbeille lisse

Les chapiteaux lisses devaient être peints comme ceux qui sont conservés au musée de Poitiers.

Ce sont des dispositions qui se rencontrent dans les premières travées de la nef de l’abbaye de Saint-Savin ou à Saint-Hilaire de Poitiers. Les chapiteaux lisses devaient être peints comme ceux qui sont conservés au musée de Poitiers.

 

L’éclairage de la nef est dispensé par les ouvertures percées dans les murs des collatéraux, selon un procédé commun en Poitou et plus rare en Charente où les églises sont souvent à nef unique. En revanche, l’agencement d’un édicule rectangulaire entre le chœur et les chapelles absidialesChapelle absidiale sud du transept est typique de l’Angoumois ; ce passageEspace dégagé entre le chœur et une absidiole du transept doté d’un autel se transforme en chapelle. La sculpture envahit tous les chapiteaux du chœur et du transept. Ils sont décorés de palmettes entrecroisées où s’ébattent des animaux fantastiques empruntés à l’Antiquité : griffonsChapiteau figurant des griffons, capricornes, chimèresChapiteau à décor de chimères, basilics, harpies. 

ChapiteauChapiteau

Ils sont dans la lignée du décor de la façade occidentale de la cathédrale d’Angoulême et caractéristiques du décor charentais. Le musée en conserve de nombreux exemples.