Notre-Dame de Châtres, Saint-Brice
Perchée sur une hauteur dominant un vallon dans le vignoble du Cognaçais, la belle abbatiale de Châtres, située sur la commune de Saint-Brice, est classée au titre des Monuments Historiques en 1948. Cette ancienne abbaye a connu de nombreuses vicissitudes. En effet, au cours de la guerre de Cent Ans, l’abside de l’église a été détruite et, pendant les guerres de Religion, les bâtiments conventuels et le bras nord du transept ont été incendiés. Lors de la Révolution française, confisquée au profit des biens nationaux et vendue, elle a été aménagée en manufacture de faïences. Finalement, en 1823, elle est transformée en remise agricole. Malgré ces troubles, l’église, qui n’a pas connu de campagnes de restauration au XIXe siècle, reste dans son état initial ce qui en fait un exemple très intéressant.
Les archives ayant brûlé pendant les guerres de Religion, l’histoire de l’abbaye reste méconnue. Elle aurait été fondée au temps d’Arnaud Taillefer (975-1001), comte d’Angoulême. Une communauté de chanoines, de l’ordre de saint Augustin, venue s’y installer au début du XIIe siècle, serait à l’origine de sa reconstruction qui adopte toutes les caractéristiques d’un édifice charentais avec une façade à arcatures et une nef unique couverte d’une file de coupoles.
La façade de Notre-Dame-de-l'Assomption est très élégante.
La façade présente une élévation à trois niveaux d’arcatures en plein-cintre, séparés par des corniches. Aux extrémités, de hautes colonnes engagées unissent les niveaux sous un tympan triangulaire. Le rez-de-chaussée accueille un puissant portail entre deux petites arcatures. Au-dessus, la fenêtre d’axe prend place dans une série de cinq arcatures, tandis que le dernier niveau reçoit un registre de neuf arcatures aveugles séparées par des colonnettes à chapiteaux sculptés.
Cela donne une progression en nombre des arcatures trois, cinq, neuf au fur et à mesure de l’élévation avec des proportions harmonieuses et subtiles. Le décor est sobre et raffiné. Tous les arcs sont surlignés d’une archivolte et les chapiteaux ont des motifs géométriques ou de feuillages à combinaisons multiples, sauf celui qui règne au-dessus du contrefort-colonne gauche où, aux angles, deux têtes humaines émergent d’un décor végétal.
Les tailloirs sculptés se prolongent par une frise selon un procédé habituel en Angoumois et en Saintonge offrant un répertoire de damiers, de fleurons, de rinceaux en demi-palmettes ou entrelacés dans un style linéaire et précis. Cet ensemble équilibré et élégant est magnifié par l’arc polylobé du portail et, à l’étage, par les faisceaux de colonnettes qui reçoivent la voussure de la fenêtre et deux colonnes aux fûts habillés d’incrustations et de décors perlés.
L’intérieur, vaste (45 m de long), contraste par sa sobriété. La nef est unique avec trois travées de profondeur ; elle donne sur un transept moins élevé à absidiole (seul, le bras sud subsiste) et un chœur profond fermé depuis le XIVe siècle par un mur droit percé d’une fenêtre de type gothique. Avant la guerre de Cent Ans, le chœur possédait une abside en hémicycle. La nef et la croisée du transept adoptent la même solution que la cathédrale d’Angoulême dans les années 1110-1120, avec un couvrement en files de coupoles sur pendentifs, inspiré de l’église Saint-Étienne de Périgueux (XIIe siècle). À Châtres, les coupoles, imposantes, sont portées par des arcs brisés. Le décor est discret. La coupole de la croisée du transept est percée d’un oculus (fenêtre ronde). Ses archivoltes sont ornées de dents de scie et de pointes de diamant qui se retrouvent sur certains tailloirs de chapiteaux aux corbeilles nues et animent un jeu d’ombres et lumières.
Ce décor est très répandu comme en témoignent des fragments conservés dans le musée d’archéologie de Saintes.
L’intérieur de l’édifice est remarquable par la justesse de ses proportions et l’économie de son décor.