Notre-Dame de l'Assomption de Surgères
Dans les plaines d’Aunis, Notre-Dame de Surgères est insérée dans l’enclos de l’ancien château dont il ne reste que le mur d’enceinte, les tours rondes et les douves au sud. Elle appartenait aux comtes de Poitou qui en firent don à l’abbaye de Vendôme à la fin du XIe siècle. Il paraît donc naturel que le plan adopté soit de tradition poitevine avec une nef à collatéraux, un vaste transept à absidioles et un chevet semi-circulaire, alors que la Saintonge voisine, l’autre province constituant le département de la Charente-Maritime, propose en général des édifices à nef unique et chevet à pans coupés.
L’église a subi des modifications à l’époque gothique : les absidioles romanes ont été remplacées et les voûtes de la nef reconstruites (ces voûtes ont maintenant disparu). En mauvais état, l’église a été considérablement restaurée à la fin du XIXe siècle. Néanmoins, elle a conservé de très beaux ensembles appartenant à l’âge roman qui portent l’empreinte poitevine : la façade occidentale, le chœur, le chevet et le clocher.
La façade occidentale est l’une des plus amples du département. Quoique très restaurée au XIXe siècle, elle mérite l’attention pour le rythme et la qualité des sculptures encore en place. Plus large que haute, elle se présente comme un véritable écran à deux niveaux limité par des faisceaux de colonnes ; le pignon triangulaire percé d’une petite fenêtre et les murs gouttereaux de la nef sont en retrait, ce qui accentue l’impression d’écran plaqué sur l’édifice.
Au premier niveau, sept arcatures régulières sont séparées par des colonnes s’élevant jusqu’à la première corniche. Le portail centré est sans tympan, comme souvent dans la région ; à l’époque moderne, une seconde porte a été percée dans la deuxième arcade de gauche. Les tympans des arcades les plus proches du portail sont habillés de sculptures en relief, très dégradées, et difficilement lisibles (Christ ? Cavalier ? Samson terrassant le lion ?).
Le niveau supérieur a été restauré au XIXe siècle par l’architecte Lisch. Il respecte l’ordonnance du premier niveau avec, toutefois, quelques nuances : une grande arcature à gauche et, de chaque côté de la fenêtre d’axe, des travées plates surmontées de niche en plein-cintre. La fenêtre centrale est moderne et remplace une baie flamboyante du XVIe siècle. De part et d’autre, dans les niches, des cavaliers se font face et dominent les reliefs des arcatures du rez-de-chaussée. Le cavalier au sud est relativement bien conservé. Dans une pose naturelle, l’homme à cheval foule un vaincu : le cheval avance et le manteau du cavalier flotte au vent.
Le thème du cavalier aux façades des églises est propre à la région Poitou-Charentes. Leur signification a donné lieu à de nombreuses interprétations : Constantin, Charlemagne, seigneur local ou réplique en pierre de la statue équestre en bronze (autrefois doré) de Marc-Aurèle au Capitole à Rome selon certains historiens. En effet, comme à Rome où le cheval de l’empereur foule les ennemis vaincus, on distingue ici, sous le pas de l’animal, un personnage étendu qui serait une représentation symbolique du paganisme (à Melle comme à Surgères).
Une partie du décor sculpté a été remplacée au XIXe siècle. Néanmoins, les chapiteaux du rez-de-chaussée, les métopes et les modillons des deux corniches constituent un ensemble de grande qualité dans la lignée des sculptures de Saint-Jean de Montierneuf à Poitiers.
Parmi les chapiteaux, on remarque celui aux deux éléphants affrontés proche de celui du musée de Poitiers, provenant de Montierneuf (cf. ci-dessous), ou de celui de l’église Saint-Pierre d’Aulnay, mais aussi des chapiteaux aux griffons affrontées, aux chimères , aux lions tous finement ciselés.
Les artistes puisaient leurs modèles dans les bestiaires, recueils d’animaux réels ou imaginaires avec leur signification morale et religieuse. Il n’est pas toujours aisé de nos jours de saisir le sens que pouvaient prendre, à l’époque romane, de telles représentations. Elles venaient rappeler au mauvais chrétien les horreurs qui l’attendaient en Enfer, s’inspirant souvent de motifs venus d’Orient.
Les métopes et les modillons des corniches de l’église fourmillent d’anecdotes illustrant la vie quotidienne : montreurs d’ours, acrobates, singes musiciens, oiseaux, signes du zodiaque... et, à nouveau, un singulier bestiaire composé d’animaux fantastiques.
Le chevet très pur a été empâté par les deux absidioles gothiques.
De sobres et élégantes colonnettes jumelées scandent son élévation et la corniche possède des modillons travaillés avec la même verve que ceux de la façade occidentale.
Le puissant clocher octogonal s’élève au-dessus de la croisée du transept. Il est éclairé par seize baies, hautes et fines, percées dans une arcature à colonnettes et rythmées par des colonnes semi-circulaires.
L’intérieur de l’église donne également une impression d’ampleur. Seul le massif oriental, croisée du transept et chœur, a conservé sa disposition de l’âge roman. Les piliers qui reçoivent la coupole sur trompes appartiennent à la campagne de construction la plus ancienne, vers 1100. Leurs chapiteaux sont de type poitevin : interprétation du style corinthien, feuilles grasses où se cachent des lions tels que les définit Marie-Thérèse Camus dans son ouvrage sur la sculpture romane du Poitou, paru en 2009. L’abside prend la lumière par trois fenêtres habillées d’arcatures et prenant appui sur un bandeau sculpté qui est travaillé, ainsi que les chapiteaux à feuillage, avec une extrême finesse. Les deux colonnettes de la fenêtre d’axe ont reçu des personnages que René Crozet a identifiés comme étant les représentations de l’Enfer et du Paradis.