Notre-Dame de l'Assomption de Rioux
C’est un lieu commun de dire qu'en Saintonge le décor roman est invasif. Deux églises de taille modeste, distantes de 12 km, Notre-Dame de Rioux et Saint-Trojan de Rétaud, en sont des manifestations célèbres pour la profusion et la richesse surprenante de leurs ornements. Construits dans la seconde moitié du XIIe siècle, ces deux édifices à nef unique et chevet à pans ont subi des remaniements au XVe siècle. L’église de Rétaud a été classée en 1862, tandis qu’il a fallu attendre 1903 pour sa voisine, dont l’abondance du décor suscitait quelques réticences. En 1959, François Eygun, directeur des Antiquités historiques, écrivait encore : ce n’est plus la richesse élégante, mais l’exaspération d’une qualité poussée au-delà du raisonnable et jusqu’au mauvais goût.
Néanmoins, c’est à Rioux que nous nous arrêtons, car non seulement le chevet est remarquable, mais également la façade et, à l’intérieur, l’abside. Le décor souligne la structure de l’édifice : colonnes, chapiteaux, frises, voussures et corniches, mais avec une telle exubérance qu’il finit par les occulter.
La façade conserve l’agencement du troisième quart du XIIe siècle, à l’exception de l’oculus du pignon percé au XVe siècle. Ici, pas de division tripartite, mais un large portail à quatre voussures ornées de fleurettes, étoiles, losanges et rubans plissés traités en méplat. Au-dessus du puissant portail se déploient neuf arcatures dont les colonnettes sont décorées de fines « gaufrures », torsades, zigzags et écailles. Sur les chapiteaux prennent place des motifs géométriques ou de végétaux et d’animaux fantastiques. Au centre, une Vierge à l’Enfant s’inscrit dans une mandorle portée par quatre anges très mutilés. C’est le seul sujet religieux de l’édifice. Sa monumentalité est adoucie par la pose presque naturelle de ses pieds sur la mandorle. Les têtes de l’Enfant et de la Vierge ont été refaites. Les arcs ont reçu un décor dense et sans rupture d’entrelacs et de palmettes. Remarquez, sous le fronton animé par un appareil réticulé, les modillons sculptés de la corniche où se côtoient des figures humaines et des animaux réels ou fantastiques.
L’intérieur de cette église de campagne a subi les outrages de remaniements tardifs : l’aménagement du clocher gothique au XVe siècle et le voûtement de la nef au XIXe siècle. à l’âge roman appartiennent les arcs de décharge reposant sur des chapiteaux à corbeille lisse et le cordon orné de dents-de-scie et de demi-disques qui court le long du mur en contournant les tailloirs des colonnes. Ce motif est un trait typique de la région. L’abside qui abrite le chœur, lieu où le mystère s’accomplit, est plus richement décorée. Les cinq fenêtres en plein-cintre, aux pieds-droits habillés de fines colonnettes à chapiteaux, s’inscrivent dans une série d’amples arcatures. Le traitement de ces dernières est particulièrement original avec des colonnes constituées, à partir d’une certaine hauteur, d’assises décalées donnant une impression d’instabilité. Leurs chapiteaux finement sculptés de feuilles d’acanthes interprétées portent des arcs ornés de demi-disques opposés sous les rinceaux et feuillages stylisés de l’archivolte. Enfin, un cordon fait de deux rangs de denticules prend place à la base de la voûte en cul-de-four de l’abside. à l’intérieur, on remarque également, bien qu’ils ne soient pas de l’âge roman, une litre très repeinte présentant les blasons des seigneurs de Rioux (XVIe-XVIIIe siècles) et un groupe sculpté en bois polychrome représentant le mariage mystique de sainte Catherine (XVIe siècle).
Pour rejoindre le chevet, morceau de bravoure décoratif, il faut longer le mur sud orné de grands arcs de décharge retombant sur des contreforts. Le plus proche de la façade, décoré de dents-de-scie, est en plein-cintre, les autres sont en arc brisé. Le chevet présente, en plan, une abside à cinq pans sur une travée droite et, en élévation, trois registres d’arcatures qui ne sont pas sans évoquer celui de Geay, mais, à l’inverse de ce modèle de sobriété, le chevet de Rioux est envahi par toutes sortes de motifs décoratifs.
L’intérieur des grandes arcatures du premier niveau est le domaine de la stéréotomie (art de tailler et disposer les pierres) avec des assises en zigzags, obliques ou en écailles de poisson qui semblent héritées de l’Antiquité tardive, très présente dans la région. à mi-hauteur, une assise décorée de marguerites court sur toute la longueur du chevet. Le second niveau, légèrement en retrait, est souligné par une corniche à décor d’entrelacs et reçoit les fenêtres qui éclairent l’abside. Ces dernières possèdent chacune une arcature s’inscrivant dans une seconde plus large. Au-dessus, un rang d’arcatures aux colonnettes curieusement annelées est distribué par séries de quatre. L’ensemble du décor est rythmé par de longues colonnes engagées cantonnant les pans de l’abside et, jusqu’à la corniche supérieure, aucun espace n’est laissé vide. Sur le chevet de l’église s’est déployé un vocabulaire ornemental fait d’éléments géométriques ou de végétaux stylisés dont les musées de la région conservent de nombreux exemples.
Pour en
savoir plus
sur les motifs décoratifs de l'âge roman
illustré par des
éléments conservés dans les musées de la région
Le décor sculpté de l’église Notre-Dame de Rioux, qu’il soit ciselé ou en forte saillie, donne une dynamique à l’œuvre et fait jouer la lumière.