Pons, cité médiévale
La ville de Pons est, au tournant du XIIe siècle, une place-forte importante et prospère qui accueille un flot croissant de pèlerins en route vers Saint-Jacques de Compostelle. Elle a conservé de précieux souvenirs de l’âge roman : un donjon et des remparts, des églises (dont la chapelle Saint-Gilles et l'église Saint-Vivien) et un hôpital. Ces édifices qui appartiennent à la deuxième moitié du XIIe siècle permettent d’évoquer la vie quotidienne de cette époque.
Le donjon
Il domine la ville du haut de ses 33 mètres et constitue avec ses remparts la pièce
maîtresse du système défensif. Détruit en 1179 par Richard Cœur de Lion,
duc d’Aquitaine, il est relevé en 1187, donc moins de dix ans plus tard, par Geoffroy III
de Pons. Cette tour très imposante (26,45 m x 15,25 m) est l’une des dernières du
Centre-Ouest datant de l’âge roman : son plan rectangulaire constitue un archaïsme
à un moment où l’on commence à construire des donjons arrondis. Ces derniers, ne
laissant aucun angle mort, seront mis à l’honneur sous Philippe-Auguste.
Les murs du donjon de Pons, en pierre de taille et raidis par des contreforts, ont 2, 50 m d’épaisseur sur trois côtés et un peu plus de 4 m du côté nord. Jusqu’en 1904, le donjon était couronné d’un entablement percé de créneaux sur lesquels on devait installer des hourds en bois, sortes de balcons couverts, en encorbellement, que les défenseurs établissaient au haut des murailles pour lancer des projectiles sur les assaillants. Depuis 1904, il est couronné de mâchicoulis de fantaisie et d’échauguettes d’angle munies de meurtrières (les échauguettes apparaissent au XIIIe siècle et sont en bois comme les hourds).
Pour des raisons de sécurité, l’entrée du donjon, placée au nord, se faisait par le premier étage grâce à une échelle ou un escalier en bois, amovible en cas de conflit. Aujourd'hui, c'est un escalier à vis en pierre qui donne accès à une vaste salle éclairée, côté sud, par deux fenêtres géminées surmontées de deux autres fenêtres de plein-cintre. Toutes les autres ouvertures ont été percées ultérieurement en fonction des utilisations de l’édifice.
Le château de l’âge roman comprend un donjon entouré de remparts. C’est là que se réfugie la population des alentours en cas de guerre. Il faut imaginer dans la cour un potager et un verger, des porcs et des volailles, et de nombreux appentis en bois ou en pierre. Dans le donjon vivent le seigneur et sa famille, des chevaliers et des soldats, certains membres du clergé, des ouvriers et des servants. Au rez-de-chaussée se trouvent les réserves de nourriture ; au premier, la chambre du seigneur qui devient salle de réception le jour. Dans les étages supérieurs se trouvent les dortoirs pour les hommes et pour les femmes, une salle des gardes, une chapelle. Les seigneurs organisent régulièrement des fêtes. à l’instar de Guillaume IX, comte de Poitou (1071-1126) et le premier troubadour, Renaud et Geoffroy de Pons écrivent des poésies. Le 1er mai, les sires de Pons rassemblent poètes et jongleurs pour une grande fête qui devait avoir lieu dans la grande salle. Une tribune est alors peut-être dressée sur les quinze consoles en pierre placées à mi-étage sur le mur sud.
Il faut monter jusqu’à la plate-forme supérieure pour voir comment le donjon domine la campagne environnante.
L’accès se fait par un escalier à vis où il subsiste de nombreux graffiti parmi lesquels se lisent des marques de tâcherons comme au donjon de Niort.
La chapelle Saint-Gilles
La basse cour de l’ancien château est aujourd’hui aménagée en jardin public. Il subsiste, à l’est, la chapelle Saint-Gilles qui, placée au-dessus de l’entrée du château, en assurait la protection divine selon une habitude courante au Moyen âge. Le portail qu’il faut découvrir en contournant le passage, présente un beau morceau de sculpture. En plein-cintre, il est habillé de voussures ornées de motifs géométriques parmi lesquels se reconnaissent les séries de tores donnant l’illusion de livres empilés que l’on retrouve à Chadenac et à Marignac. Les chapiteaux les mieux conservés, côté nord, sont sculptés de personnages et d’animaux sur fond de rinceaux comme à l’Abbaye-aux-Dames de Saintes, d’où une hypothèse de datation vers 1130.
L’église Saint-Vivien
L’église Saint-Vivien, sur le chemin de l’hôpital, bien que reconstruite et agrandie, conserve un portail digne d’intérêt pour la période qui nous concerne. Son décor, martelé et dégradé, est essentiellement composé de motifs géométriques. Il est placé entre deux arcatures qui abritent chacune une statue très mutilée, cette disposition rare en Saintonge tient peut-être au fait que Saint-Vivien était une dépendance de l’abbaye Saint-Florent près de Saumur.
L’Hôpital des pèlerins ou « hôpital neuf »
Bâti entre 1150 et 1180 par Geoffroy III de Pons, l’hôpital tenu par des chanoines était destiné à accueillir les enfants abandonnés, les malades et les pèlerins. Il est situé hors des murs pour limiter les risques d’épidémies, mais aussi pour accueillir les pèlerins allant à Saint-Jacques de Compostelle malgré une éventuelle fermeture des portes de la ville. Une légende fameuse, popularisée dès le VIIIe siècle, affirmait que l’apôtre Jacques, l’un des douze compagnons du Christ et frère aîné de Jean, aurait évangélisé l’Espagne avant de retourner en Palestine subir le martyr. Son corps, recueilli par ses compagnons et embarqué sur un bateau, aurait été conduit par un ange jusqu’en Galice pour y être enterré à l’endroit qui porte désormais son nom. C’est au moment des croisades et de la reconquista espagnole sur les royaumes musulmans de la péninsule que s’est développé le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Un guide célèbre du XIIe siècle, attribué au moine poitevin Aimeri Picaud, décrit les routes qui, depuis Paris, mènent à Saint-Jacques : la via turonensis passe par Tours, Poitiers, Saintes et Pons qui est qualifiée « d’étape sûre et pacifique ».
Le musée de Niort conserve dans ses collections une sculpture représentant un pèlerin reconnaissable à la coquille Saint-Jacques, un mollusque bivalve du genre Pecten, pêché en Galice.
Les autres attributs du pèlerin sont, dès la première moitié du XIIe siècle, le bourdon (bâton), la besace et le chapeau à larges bords.
L’hôpital est constitué de deux bâtiments perpendiculaires à la route réunis par un porche qui franchit l’ancienne voie reliant Saintes à Bordeaux, celle qu’empruntaient les pèlerins. On y accède par deux arcs surbaissés, sous une corniche à modillons et des oculi en demi-lune. Imposant (18 m x 10 m), il a trois travées de long, deux voûtées en berceau brisé aux extrémités et, au centre, la troisième est couverte d’une voûte sur croisée d’ogives sur laquelle s’élevait jadis une tour. C’est au niveau de cette travée centrale que s’ouvraient deux portails. L’un, à l'est, donnait sur une chapelle et l’autre, à l'ouest, sur une grande salle. Ils sont tous les deux en plein-cintre et de style typiquement saintongeais : pas de tympan, voussures soignées et décorées de motifs géométriques, chapiteaux à décor végétal inspiré de l’antique corinthien, à la goule (tête d’homme, de la bouche duquel part une colonne) et à entrelacs où la tradition locale reconnaît « l’anguille de Pons », pêchée dans la Seudre. Les murs sont ornés d'arcades surplombant des bancs et des enfeus. Les pèlerins y ont gravé des graffiti représentant des fers à cheval ou des croix.
La chapelle - aujourd'hui propriété privée d'un particulier - a sans doute été construite en premier. Elle aurait, pendant un temps, joué le rôle de salle des malades. Il n’en subsiste que le portail et la base du mur nord où s’ouvrent sept portes comme à l’hôpital d’Angers.
En sortant du porche vers le sud, et en dépassant les anciennes maisons des chanoines, on peut voir le mur de la chapelle sur la gauche.
La salle des malades (ouverte au public de juin à septembre) a été restaurée. Elle comprend trois vaisseaux séparés par des colonnes cylindriques qui reçoivent une magnifique charpente du XIIIe siècle. Le sol est maintenant couvert d’une résine colorée qui évoque la terre battue du Moyen âge. Les vitraux ont été réalisés par le maître verrier Jean-Dominique Fleury qui s’est inspiré de l’art roman saintongeais.
à l'extérieur et à l’extrémité occidentale, des latrines ont été découvertes. Elles sont aménagées sous un appentis qui donne accès à un jardin de type médiéval où poussent l'achillée millefeuille, la buglosse d'Italie, les réglisses sauvages, la camomille, l'armoise, la rue, la sauge…
Cet ensemble, protégé au titre des Monuments historiques, a également été classé au Patrimoine mondial en 2004, à l’occasion de l’inauguration de sa restauration entreprise en 1997.