église Saint-Sulpice de Marignac
Quand on arrive devant le portail de cette ancienne dépendance de la riche abbaye de Charroux (Vienne), la sobriété du décor peut décevoir au regard de la luxuriance habituelle en Saintonge. Et pourtant, cet édifice construit au cours du premier tiers du XIIe siècle mérite la visite. L’intérêt du monument se concentre, à l’extérieur comme à l’intérieur, sur le chevet tréflé.
La façade présente trois niveaux séparés par deux puissantes corniches à modillons.
Le
profond portail occupe la
largeur de l’édifice. Il est surmonté d’une série de cinq arcatures sous un
mur pignon. Ces deux niveaux sont éclairés, chacun, par une petite fenêtre
d’axe en plein-cintre. L’édifice qui aurait reçu des voûtes d’ogives au XIVe siècle
(aujourd’hui disparues) a été consolidé par des contreforts.
Les deux placés au droit de la façade ont reçu l’un, à droite, une arcature dans
laquelle viennent se nicher deux statues
et l’autre, à gauche, un dais qui devait abriter une
sculpture.
Le chevet à plan tréflé
est animé par de hautes colonnes engagées reliées dans leur partie haute
par des séries de deux arceaux dont le pendant est soutenu par une console sculptée.
La richesse du décor règne au niveau de la corniche
sur les métopes, les modillons et les chapiteaux
des colonnes, constituant une frise régulière. Les sculptures sont typiquement
saintongeaises : motifs en pointes de diamant sur la corniche, modillons
sculptés d’atlantes,
de
sonneurs de trompe, de
figures encapuchonnées,
de
têtes de femmes,
de
duos d'animaux, de taureaux, sans oublier le tonnelet pour recueillir la production
du vin qui a fait la richesse de la région au Moyen âge. Les métopes
sont ornées de marguerites inspirées
de l’Antiquité (deuxième exemple,
troisième exemple),
d’entrelacs, de lions et d’oiseaux superposés. Remarquez la diversité des
chapiteaux à feuilles d’acanthes dont certains hébergent des têtes d’hommes ou à rinceaux
dans lesquels se nichent des animaux extraordinaires et des acrobates.
La nef à vaisseau unique a été
remaniée : les voûtes romanes ont été remplacées par des voûtes
gothiques (disparues) qui reposaient sur les colonnes et chapiteaux
de l’âge roman. En revanche, si le chœur
et le transept ont
conservé leur agencement et leur décoration sculptée d’origine, les
peintures datent du XIXe siècle. Le plan en trèfle de cette partie de l’église
est une particularité rare en Saintonge qui rappelle peut-être des constructions
antérieures à l’âge roman, qu’elles soient préromanes ou inspirées
de l’Antiquité (balnéaires). La croisée
du transept est couverte par une belle coupole, sur trompes en forme de coquilles,
portée par quatre arcs brisés. Ceux placés dans l’axe de la nef et du chœur
sont composés de claveaux en coussinets que l’on compare quelquefois à des livres
empilés dont on verrait le dos. Quant aux arcs
qui ouvrent sur les bras du transept, ils
sont doubles et reposent sur des colonnes distinctes ; ils sont reliés par des claveaux laissant des vides à
intervalles réguliers.
Le chœur et les chapelles formant les bras
du transept sont voûtés en
cul-de-four et éclairés par une petite fenêtre.
Tout cet ensemble, chœur et transept, est uni par une frise
continue qui prolonge, à la base des voûtes, la sculpture des chapiteaux
et de leurs tailloirs. Le motif des deux absides
latérales est constitué de cannelures verticales au nord et en forme de « S » au sud. En revanche, sur les
chapiteaux et dans le chœur
se déploie un foisonnement de rinceaux et d’acanthes entrelacés où
sont intégrées des scènes d’une grande vivacité.
On y découvre des oiseaux affrontés picorant une tête ; une grande variété de lions, présentés de profil ou à deux corps, à tête humaine, avec la queue dessinant la volute d’un rinceau. Des scènes complètent le décor : chasse à l’arc, des chiens qui attaquent un cerf, un homme et une femme s’étreignant sous le regard d’un troisième (le mari ?), un homme, assis dans l’angle d’un chapiteau, attaqué par des oiseaux, bref, un monde où personnages et animaux s’ébattent joyeusement dans un style élégant, décoratif, hérité de Saint-Eutrope ou du portail de l’Abbaye-aux-Dames de Saintes.