Notre-Dame de l'Assomption de Fenioux
à Fenioux, village de 250 habitants en pleine campagne saintongeaise, s’élève au flanc d’un vallon l’église Notre-Dame qui, comme bien d’autres dans le département, a subi l’influence artistique de l’église d’Aulnay. Très tôt reconnue comme un haut lieu de l’âge roman, elle fait partie de la première liste des 934 monuments classés, publiée en 1840. La tour-lanterne de Fenioux, l’une des plus magnifiques qui nous soient parvenues, a été classée le 18 avril 1914.
Notre-Dame de Fenioux, particulièrement intéressante, a conservé des murs carolingiens et une remarquable façade sculptée du XIIe siècle.
Comme la plupart des églises de la région, elle est dotée d’une nef unique. Les murs, élevés à la fin de la période carolingienne, sont en moellons, peut-être une réutilisation de maçonnerie antique. Plus extraordinaire encore, la nef conserve une série de fenêtres à claustra en pierre ajourée à motifs d’entrelacs, de vannerie ou de rosaces caractéristiques de cette époque.
De dimensions modestes, les claustras s’intègrent à des baies dont la partie supérieure
est un monolithe gravé de lignes simulant les claveaux
d’un arc avec une base excavée en plein-cintre. C’est une pratique courante à l’époque.
Lorsque l’édifice a été voûté en pierre, il a fallu renforcer les
murs gouttereaux. Ils ont été doublés à l’ouest, et renforcés
par des arcatures, des piliers et des colonnes à l’est, du côté du
chœur. La voûte s’est écroulée
au XIXe siècle, entraînant la destruction de la tribune qui avait été établie sur les deux
premières travées. Les chapiteaux des colonnes qui supportaient
la voûte de la tribune sont décorés d’acanthes avec des tailloirs à
denticules et damiers s’inspirant de ceux de Saint-Eutrope de Saintes. Cette tribune était
une particularité pour la région. était-elle une survivance de
l’architecture carolingienne ? Comment y accédait-on ?
Probablement par un escalier communiquant avec la porte latérale nord (vue de l'intérieur, vue de l'extérieur), proche du portail. Quelle était sa fonction ? Peut-être accueillait-elle les personnes non encore baptisées, les catéchumènes.
L’abside, détruite au XVe siècle, a été remplacée par un chevet plat.
Quant à la façade, elle se distingue du parti généralement adopté en Saintonge, celui d’un portail central encadré de deux arcatures aveugles. Ici le portail unique, largement ébrasé et encadré par deux puissants et inhabituels faisceaux de colonnes occupe toute la façade. Il est constitué de cinq voussures portées par des colonnes à chapiteaux richement décorés de feuilles d’acanthes inspirées de l’Antiquité, mais interprétées comme à Saint-Pierre d’Aulnay ou à Saint-Eutrope de Saintes ; elles sont sculptées en haut-relief et se détachent de la corbeille du chapiteau. Le deuxième chapiteau, sur la gauche, est orné de deux chimères dont les têtes sont coiffées d’un curieux bonnet. Deux griffons adossés, sur le premier chapiteau à droite de la porte, rappellent le motif que l’on trouve à Aulnay sur le quatrième pilier sud de la nef.
L’analogie avec Aulnay est constante tel le chapiteau double, sous le zodiaque à droite, dérivé de celui qui supporte les Vierges sages du portail de la façade d’Aulnay : une tête mordue par des monstres. On reconnaît les mêmes êtres fantastiques nés d’une imagination débordante, les mêmes rinceaux habités d’animaux ou de petits personnages.
Fenioux
Aulnay
Le programme iconographique de Fenioux, comme celui de Chadenac, reprend les thèmes
de l’église d’Aulnay : le combat des vices et des vertus, des anges encensant
l’Agneau, la parabole des Vierges sages et des Vierges folles et enfin un zodiaque.
Fenioux
Aulnay
Le zodiaque, prétexte à une illustration libre des occupations des hommes au cours de l’année, débute avec le mois de janvier, alors qu’au XIIe siècle l’usage était de faire débuter l’année à Pâques. Un homme qui taille sa vigne symbolise le mois d’avril ; en mai, l’homme est à cheval avec une serpe ; il fauche en juin et lie les gerbes en juillet ; il fait son vin en septembre et rentre son bétail en novembre : des bœufs mangent dans une auge. Les inscriptions latines désignent les signes et les mois.
Comme dans l’art d’Aulnay, les personnages s’affinent, la silhouette animée de plis concentriques au niveau du ventre et plus allongés sur les jambes, les détails des costumes se précisent : bliauds aux larges manches pendantes, galons et broderies sculptés.
Au-dessus du portail, une corniche ouvragée supporte six statues mutilées placées de part et d’autre d’un Christ en majesté et cantonné des symboles des évangélistes. C’est l’unique référence au Jugement dernier, connue en Saintonge. Une seconde corniche, richement ornée de divers motifs dans les métopes et de têtes grimaçantes sur les modillons, souligne le mur pignon. Celui-ci est percé d’une fenêtre au décor finement ciselé.
Sur le flanc nord de l’église, une très belle porte devait conduire à l’escalier desservant la tribune évoquée plus haut. Son décor presque entièrement floral (fleurs à six pétales et bouton central caractéristiques de la région) est animé par quelques chimères et un masque grotesque.
Le clocher a été refait au XIXe siècle par l’architecte Ballu.
Enfin, il faut aller voir la lanterne des morts dont le fût est constitué d’un faisceau de onze colonnes surmonté d’un fanal accessible par un escalier. Ces édifices, sujets d’une littérature abondante, ont donné lieu à des interprétations fantaisistes ou fantasmagoriques, comme la numérologie pour celle de Fenioux qui compte onze colonnes pour le fût et treize pour le fanal ! Les lanternes des morts posent encore problème quant à leur datation et leur fonction. Fréquentes en Limousin, Poitou et Saintonge, elles étaient situées au milieu des cimetières où leurs lanternons diffusaient de la lumière : on peut donc penser qu’elles avaient un rôle protecteur. Difficiles à dater, elles paraissent appartenir à l’âge roman comme les églises auxquelles elles sont souvent associées.