église Saint-Martin de Chadenac
L’église Saint-Martin de Chadenac a subi de nombreux remaniements : le chœur et le bras droit du transept ont été modifiés
à l’époque gothique et la nef à
grandes arcatures a perdu ses voûtes. En revanche, elle a conservé sa façade sculptée
qui lui a valu le surnom de « marquise de Saintonge ». C’est un joyau de l’âge
roman du deuxième quart du XIIe siècle qui s’inspire de la façade occidentale d’Aulnay-de-Saintonge,
chef-d’œuvre universellement reconnu et classé au patrimoine mondial.
L’élévation de la façade présente une ordonnance habituelle pour la région
avec deux niveaux horizontaux animés par des jeux d’arcatures. Le premier niveau est
composé d’un portail central entre deux arcatures aveugles, le second présente
cinq
arcatures géminées insérées dans de plus grandes dont les colonnes engagées
sont de même module, alternativement simple ou triple. Sur le pignon, une unique arcature,
dans l’axe, domine l’ensemble. Le premier niveau a reçu un programme iconographique caractéristique
à l’époque en Saintonge et traité avec virtuosité mêlant
influences antiques et barbares, réalisme et fantaisie.
Les voussures du portail central sont ornées
de sculptures. Au centre, à la clef
d’arc, un Christ en gloire,
imberbe, couronné, est entouré d’anges adorateurs. De petite taille et en position
frontale pour accueillir le fidèle, il occupe les deux premières voussures.
Sa tête sépare les Vertus et les Vices dont les silhouettes épousent la
forme de la voussure. Ce thème issu
des sermons de Tertullien et de la Psychomachie de Prudence, auteurs chrétiens du
Bas-Empire, est répandu en Poitou et en Saintonge dans les années 1120-1160. Les
Vertus gardent l’entrée du sanctuaire. Elles sont représentées en guerrières,
portent un heaume conique, un bliaud, un écu ovale et percent de leurs lances des
monstres qui se trouvent à leurs pieds.
Au-dessus, une suite de personnages puis de monstres, qui parfois se battent, prolonge le
message du combat des Vices et des Vertus.
Sur la cinquième voussure prend
place la parabole des Vierges sages et des Vierges folles attendant l’époux céleste. Celui-ci est sculpté au
centre et entouré, à gauche, des trois Vierges sages aux lampes allumées
et, à droite, des trois Vierges folles qui ont leurs lampes éteintes. Les premières,
sereines, trouveront le chemin du Paradis tandis que les secondes, affligées, expriment
leur douleur, la tête inclinée sur la paume de leur main. La voussure
suivante reprend des motifs d’animaux fabuleux, gueule menaçante et
pattes croches, symbolisant le mal qui nous entoure ; ils sont placés sous huit personnages debout, nimbés,
les pieds nus reposant sur un socle, représentant peut-être les apôtres ou les
vieillards de l’Apocalypse. L’ensemble est surmonté d’une archivolte ornée de rinceaux très fouillés.
Ces sculptures en fort relief vibrent sous la lumière. Les personnages, élégants
et habillés d’étoffe moulant leur corps, sont tous différents ce qui rend
le portail très animé et vivant.
Dans les niches formées par les arcades latérales, deux grands personnages vêtus de longues robes
plissées piétinent des monstres. Au-dessus, des lutteurs occupent les tympans
aux voussures savamment ouvragées. Là
encore se déploie un avertissement : il faut combattre le mal.
Les chapiteaux qui reçoivent les arcs sont
sculptés avec délicatesse. Celui du premier pilastre, à gauche pour
l’observateur, présente d’un côté un cavalier foulant un
ennemi et, sur l’autre face, une femme. Il s’agit là très certainement d’un
symbole de la victoire de la Chrétienté sur le paganisme, ce qui n’est pas sans
rappeler le thème du cavalier sculpté aux façades de plusieurs églises et
propre à la région Poitou-Charentes. Leur signification a donné lieu
à de nombreuses interprétations : Constantin, Charlemagne, représentation
d’un seigneur local ou, selon certains historiens, copie en pierre du bronze équestre
(autrefois doré) de Marc-Aurèle au Capitole à Rome. En effet, de la même
façon que le cheval de Marc-Aurèle foulait ses ennemis vaincus, se distingue sous le pas
des chevaux de certains de ces cavaliers, à
Melle notamment, un personnage étendu qui symboliserait le paganisme. La question
n’est toujours pas résolue.
Sur les chapiteaux suivants se lisent des
motifs décoratifs dont un monstre engoulant une colonne, sujet très répandu dans tout
l’Ouest. à droite de la porte se distinguent l’Annonciation, la Visitation et l’Assomption
où deux anges conduisent au ciel une mandorle
dans laquelle la Vierge est inscrite. Sur les pilastres de droite, les saintes femmes accourent
devant le tombeau du Christ pour l’embaumer ; il est vide, ce qui évoque la Résurrection.
Des colonnettes placées entre les voussures
supportent des personnages ou des monstres. De gauche à droite, on remarque un guerrier, peut-être saint
Georges, une femme en pied vêtue
d’une robe à longues manches, un ange écrasant un monstre qui évoque l’archange saint
Michel, et un dragon. Entre les
arcatures latérales et la première corniche, sur le plat du mur, des lions et des lionnes dressés
menacent leurs proies.
Les
modillons de la première
corniche sont d’une extrême variété et d’une grande qualité plastique
ainsi que ceux du bras sud du transept.
Le programme des sculptures de la façade délivre un message : le Christ venu sur
terre pour nous sauver, l’Incarnation est illustrée par les scènes de la vie de la
Vierge. Il est retourné auprès de Dieu après avoir été
crucifié, le Salut passe par la lutte contre le mal d’où le thème des Vertus
terrassant les Vices, la mise en garde illustrée par l’opposition entre les Vierges
sages, prévoyantes, qui ont rempli leurs lampes pour accueillir l’époux et les
Vierges folles se tordant de douleur du fait de leur insouciance, les combats contre des
monstres de saint Georges et de l’archange saint Michel.
Les sculpteurs ont sans doute été inspirés par l'œuvre de
Saint-Pierre d'Aulnay dont l'influence est perceptible dans le programme iconographique
comme dans le style de certaines sculptures : les Vertus et les Vierges sont traitées
en quasi ronde-bosse avec autant de réalisme et de vivacité.
Chadenac
Aulnay
Les motifs décoratifs ont la même fantaisie.
à l’intérieur de l’édifice subsistent encore quelques chapiteaux à entrelacs, feuillages et animaux fantastiques.