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Ceux-qui-disent-la-vérité Trois kafiguélédyo des collections du Musée d’Angoulême

 

Kafiguélédyo signifie "celui qui dit la chose blanche" ou "celui qui dit la vérité". Il est la représentation d'un esprit occulte qui a le pouvoir terrible de punir, de juger et de jeter des sorts particulièrement redoutables pour faire régner l'ordre social. À ce titre, il suscite l'effroi.

Cet objet de forme humaine est généralement couronné d'un assemblage de plumes, voire aussi de piquants de porc-épic (signes des sorts que l’on jette). La figurine en bois, sommairement sculptée, est toujours habillée d'un vêtement en toile brute. Seuls les pieds ne sont pas recouverts. À sa surface, de nombreuses offrandes alimentaires ou libations ont formé une patine croûteuse. Le visage, formé par le tissu froncé autour du cou par une cordelette, est en principe dissimulé sous une cagoule.

Les bras, cousus et articulés, sont mobiles et se présentent sous la forme de bâtons parfois prolongés d'armes en bois ou en métal (lame tranchante, crosse à tête lourde).

La statuette peut aussi porter des cornes de bélier, d’antilope ou des sachets divers composés de matières organiques pendant au dos, attachés à l'aide d'une cordelette. Ces accessoires garnissant la statuette, servent à augmenter sa puissance mystique. Dans la confection du kafiguélédyo interviennent divers autres éléments dont le choix obéit à des impératifs rigoureux, leurs qualités particulières contribuant à l'efficacité rituelle.

Détail de bras en forme d'arme Détail de bras en forme d'arme
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Détail de bras en forme d'arme Kafiguélédyo n° 998.3.11
Le Musée d'Angoulême
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Détail d'un accessoire Détail d'un accessoire
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Détail d'un accessoire La corbeille est un des accessoires confiés à la figurine pour amplifier sa puissance mystique
Kafiguélédyo n° 997.2.24

Le Musée d'Angoulême
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La face coiffée de plume La face coiffée de plume
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La face coiffée de plume La face sans expression du Kafiguélédyo est coiffée de plumes dressées pour lui donner un aspect inhumain et inquiétant
Kafiguélédyo n° 998.3.11

Le Musée d'Angoulême
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L'apparence du kafiguélédyo ressemble à celle du Fila, un masque Sénoufo grandeur nature. 
Le danseur qui le porte est recouvert d'un costume en toile de jute. Il est impossible de dire qui le premier influença l'apparence du second.

L'aspect terrifiant de la statue est souligné par l'accumulation de plumes fixées à la cagoule qui recouvre le visage.

Les Sénoufo

Carte de répartition des Sénoufo
Carte de répartition des Sénoufo

Carte réalisée d'après la carte disponible en CC BY 2.5, et consultable ici (source Wikipédia)

Les statues kafiguélédyo sont répandues, d'après les quelques renseignements que l'on possède, surtout chez certains sous-groupes Sénoufo : les Tiembara, Koufolo, Kafimbélé, et chez certains Nafara et Niarafolo.

Les Sénoufo occupent un vaste territoire dans la partie centrale du nord de la Côte d'Ivoire mais également dans l'ouest du Burkina Faso et dans le sud du Mali. Il existe une très grande multiplicité des sculptures en bois sénoufo, chacune ayant son rôle à jouer dans un système cultuel complexe.

Un système initiatique : le Poro

La plupart des objets d’art produits sont des accessoires de la société initiatique du Poro. Cette institution autrefois puissante, réglait la vie de la communauté comme celle des individus des deux sexes. C'est vers l’âge de sept ans (âge avant lequel l’enfant ne représente rien au niveau social) que commence l’initiation. Cette dernière se poursuivra par cycle de 7 ans jusqu’à la mort de l'individu. Ainsi, par paliers, l’enfant, l’adolescent puis l’adulte progressent dans les différentes étapes du savoir initiatique, jusqu’à atteindre la sagesse suprême et les plus hauts grades du Poro. Chaque cycle se termine par de grandes réjouissances publiques avec la sortie des masques.

Le kafiguélédyo est conservé à l'écart dans une petite case dont la décoration des murs extérieurs est en torchis.  Son accès est réservé aux grands initiés masculins du Poro, mais parfois aussi à certaines femmes.

Le masque du Kafiguélédyo Le masque du Kafiguélédyo
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Le masque du Kafiguélédyo Des coquillages forment yeux et bouche tandis que des plumes dressées servent de coiffe effrayante
Kafiguélédyo n° d'inv. 999.1.70

Le Musée d'Angoulême
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Quand le kafiguélédyo rend la justice

Le visage décoré du Kafiguélédyo Le visage décoré du Kafiguélédyo
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Le visage décoré du Kafiguélédyo Une face sans nez, bouche ou yeux est tout de même décoré de motifs circulaires bruns
Un collier de fibres colorées tombe de son cou
Kafiguélédyo n° 997.2.24

Le Musée d'Angoulême
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Le kafiguélédyo est un garant symbolique essentiel du comportement social et seuls les grands initiés peuvent y recourir.

Dans les villages sénoufo, lorsqu’il y a un vol, un meurtre, un délit quelconque, le chef réunit tous les habitants sur la place du village. Un danseur arrive, le porteur de kafiguélédyo. Ce danseur rentre en transe et le personnage kafiguélédyo doit alors désigner le coupable avec ses bras en forme de branche. La population et notamment les enfants, vivent dans la crainte de cet être, car il est considéré comme un sorcier. On affirme en effet, que l'officiant qui préside la séance de consultation, est en mesure, sur la demande du client et contre rémunération, de jeter un maléfice sur la personne visée, même éloignée du lieu de l'opération.

C'est en pointant dans la direction de la personne visée les bras armés du kafiguélédyo que l'opérateur, au cours d'une séance secrète, et après avoir accompli les gestes incantatoires adéquats, « jette » à distance le maléfice.

Son nom, qui comporte l'injonction de « dire le vrai », indique la sanction surnaturelle que peut s'attirer celle ou celui qui a commis une offense, une faute, même cachée.

Sources

Ouvrages :

  • Bohumil Holas, Arts de la Côte d'Ivoire, Presses Universitaires de France
  • Bohumil Holas, Sculptures Sénoufo, Centre des sciences humaines de la Côte d'Ivoire
  • Marie-Louise Bastin, Introduction aux arts d'Afrique Noire
  • Collectif, Corps sculptés, corps parés, corps masqués. Chefs-d’œuvre de Côte d'Ivoire association Française d'Action Artistique / Ministère de la Coopération et du Développement (1985)
  • Alain-Michel Boyer, Les arts d'Afrique, Hazan
  • Burkhard Gottschalk, Senoufo Massa et les statues du poro, Afrika Incognita

Sur internet :

Crédits

Conseiller scientifique, rédaction des textes : Émilie Salaberry, Conservatrice des musées d'Angoulême
Conception graphique, photographies et intégration : Vincent Lagardère - Alienor.org, Conseil des musées