Alienor.org, Conseil des musées présente :
Kafiguélédyo signifie "celui qui dit la chose blanche" ou "celui qui dit la vérité". Il est la représentation d'un esprit occulte qui a le pouvoir terrible de punir, de juger et de jeter des sorts particulièrement redoutables pour faire régner l'ordre social. À ce titre, il suscite l'effroi.
Cet objet de forme humaine est généralement couronné d'un assemblage de plumes, voire aussi de piquants de porc-épic (signes des sorts que l’on jette). La figurine en bois, sommairement sculptée, est toujours habillée d'un vêtement en toile brute. Seuls les pieds ne sont pas recouverts. À sa surface, de nombreuses offrandes alimentaires ou libations ont formé une patine croûteuse. Le visage, formé par le tissu froncé autour du cou par une cordelette, est en principe dissimulé sous une cagoule.
Les bras, cousus et articulés, sont mobiles et se présentent sous la forme de bâtons parfois prolongés d'armes en bois ou en métal (lame tranchante, crosse à tête lourde).
La statuette peut aussi porter des cornes de bélier, d’antilope ou des sachets divers composés de matières organiques pendant au dos, attachés à l'aide d'une cordelette. Ces accessoires garnissant la statuette, servent à augmenter sa puissance mystique. Dans la confection du kafiguélédyo interviennent divers autres éléments dont le choix obéit à des impératifs rigoureux, leurs qualités particulières contribuant à l'efficacité rituelle.
L'apparence du kafiguélédyo ressemble à celle du Fila, un masque Sénoufo grandeur nature.
Le danseur qui le porte est recouvert d'un costume en toile de jute. Il est impossible de dire qui le premier influença l'apparence du second.
L'aspect terrifiant de la statue est souligné par l'accumulation de plumes fixées à la cagoule qui recouvre le visage.
Les statues kafiguélédyo sont répandues, d'après les quelques renseignements que l'on possède, surtout chez certains sous-groupes Sénoufo : les Tiembara, Koufolo, Kafimbélé, et chez certains Nafara et Niarafolo.
Les Sénoufo occupent un vaste territoire dans la partie centrale du nord de la Côte d'Ivoire mais également dans l'ouest du Burkina Faso et dans le sud du Mali. Il existe une très grande multiplicité des sculptures en bois sénoufo, chacune ayant son rôle à jouer dans un système cultuel complexe.
La plupart des objets d’art produits sont des accessoires de la société initiatique du Poro. Cette institution autrefois puissante, réglait la vie de la communauté comme celle des individus des deux sexes. C'est vers l’âge de sept ans (âge avant lequel l’enfant ne représente rien au niveau social) que commence l’initiation. Cette dernière se poursuivra par cycle de 7 ans jusqu’à la mort de l'individu. Ainsi, par paliers, l’enfant, l’adolescent puis l’adulte progressent dans les différentes étapes du savoir initiatique, jusqu’à atteindre la sagesse suprême et les plus hauts grades du Poro. Chaque cycle se termine par de grandes réjouissances publiques avec la sortie des masques.
Le kafiguélédyo est conservé à l'écart dans une petite case dont la décoration des murs extérieurs est en torchis. Son accès est réservé aux grands initiés masculins du Poro, mais parfois aussi à certaines femmes.
Le kafiguélédyo est un garant symbolique essentiel du comportement social et seuls les grands initiés peuvent y recourir.
Dans les villages sénoufo, lorsqu’il y a un vol, un meurtre, un délit quelconque, le chef réunit tous les habitants sur la place du village. Un danseur arrive, le porteur de kafiguélédyo. Ce danseur rentre en transe et le personnage kafiguélédyo doit alors désigner le coupable avec ses bras en forme de branche. La population et notamment les enfants, vivent dans la crainte de cet être, car il est considéré comme un sorcier. On affirme en effet, que l'officiant qui préside la séance de consultation, est en mesure, sur la demande du client et contre rémunération, de jeter un maléfice sur la personne visée, même éloignée du lieu de l'opération.
C'est en pointant dans la direction de la personne visée les bras armés du kafiguélédyo que l'opérateur, au cours d'une séance secrète, et après avoir accompli les gestes incantatoires adéquats, « jette » à distance le maléfice.
Son nom, qui comporte l'injonction de « dire le vrai », indique la sanction surnaturelle que peut s'attirer celle ou celui qui a commis une offense, une faute, même cachée.
Conseiller scientifique, rédaction des textes : Émilie Salaberry, Conservatrice des musées d'Angoulême
Conception graphique, photographies et intégration : Vincent Lagardère - Alienor.org, Conseil des musées