La malle du capitaine François

officier de l'armée française en 1914

La malle du capitaine François

Cet objet et son contenu, entrés dans les collections du musée de Châtellerault en 1998, racontent l’histoire d’un homme, Pierre François, capitaine dans l’armée française au moment où éclate la Première Guerre mondiale.

La malle est en bois peint. Elle arbore des étiquettes portant des numéros de régiments et abrite les effets du capitaine François, commandant la 19e compagnie du 365e régiment d’infanterie en août 1914. Comme à plus de 18 millions de personnes (civils et militaires) la Première Guerre mondiale lui a coûté la vie. Cette malle avec ses effets personnels est l’ultime reliquaire de cet homme mort dans les premiers jours du conflit.

Fils de cultivateur devenu capitaine

Pierre François, fils d’un cultivateur, naît le 21 juillet 1868 en Charente. Il s’engage dans l’armée en 1887. Il entre en tant que soldat de deuxième classe au 85e régiment d’infanterie. Il gravit les échelons jusqu’à intégrer l’école militaire d’infanterie en 1893. Ajourné une première fois pour raisons de santé il est reçu en 1895 et entre au 32e régiment d’infanterie de Châtellerault en tant que sous-lieutenant.

En 1903, le 4 octobre, il épouse une châtelleraudaise, Marie-Thérèse Lafontaine. Le 7 juillet 1904 naît leur fille Germaine Marie-Thérèse.

Pierre François est promu capitaine par décret du 24 décembre 1909 et affecté au 147e régiment d’infanterie. Il passe au 165e lors de la formation de celui-ci en 1912. Le régiment est cantonné dans la région de Verdun.

Le capitaine François est fait chevalier de la Légion d’honneur par décret du 10 juillet 1913 et décoré le 14 du même mois.

Un capitaine au cœur de la bataille des frontières en 1914

En août 1914, suite à la mobilisation générale et à l’entrée en guerre des différents protagonistes allemands, français et britanniques, les troupes françaises lancent l’assaut en direction de la Belgique qui a été envahie. Les armées allemandes repoussent l’assaut et se dirigent vers Verdun et les plaines de Champagne. À partir du 23 août, c’est la Grande Retraite ou bataille des frontières qui dure jusqu’au 6 septembre, date du début de la première bataille de la Marne. Cette bataille voit l’arrêt de l’avancée des troupes allemandes à moins de 100 kilomètres de Paris et contribue à stabiliser le front, transformant ce qui était jusqu’alors une guerre de mouvement en guerre de position.

Pendant ces quelques jours de la « bataille des frontières » le nombre de tués a largement dépassé les prévisions des états-majors, et les inhumations, quand elles ont été possibles, ont été faites à la hâte, les identifications des corps n’ont pas été systématiques et souvent les hommes ont été portés disparus car nul ne sait ce qui leur est arrivé. Les transports sont entièrement désorganisés et l’évacuation des blessés se fait dans un désordre total.
C’est dans ce contexte que le régiment nouvellement créé, le 365e, auquel est affecté le capitaine François entre dans la bataille.

À l’entrée en guerre, de nouveaux régiments dits « de réserve » sont créés pour affecter les millions de conscrits qui répondent à l’ordre de mobilisation générale. Tous les régiments existants sont donc doublés par un régiment dit « de réserve » dont le numéro est celui de son régiment parent augmenté de 200.
Le 365e est formé à Lille dès le 3 août 1914, jour de la déclaration de guerre. Rattaché à la 72e division de la troisième armée du général Ruffey. Il arrive le 6 à Verdun. La troisième armée doit participer à l’assaut dans les Ardennes. Entre le 14 et le 21 elle se positionne entre Pont-à-Mousson et Mangiennes, soit une ligne d’une soixantaine de kilomètres à l’est et au nord de la place forte de Verdun.
Du 22 au 24 la troisième armée avance vers la Belgique. Mais très vite la contre-offensive allemande contraint les troupes françaises à se replier.

 

Position approximative des troupes autour de Verdun entre le 21 août et le 2 septembre 1914.

 

En août le « plan XVII » est mis en application. Il prévoit des offensives en Alsace, en Lorraine et dans les Ardennes.
Le 365e connaît son baptême du feu le 24 entre Warcq et Étain, à quelques kilomètres à l’est de Verdun. Dans un mouvement global de recul. Ainsi il se retrouve quelques jours plus tard à côté de Forges-sur-Meuse où il subit un important bombardement qui coûte la vie au capitaine François.

Reconstituer les derniers jours du capitaine François s’avère difficile, et il faut remonter la piste des correspondances de sa veuve et de son dossier militaire pour dresser un tableau de ces journées d’août et de septembre. Ainsi entre les documents contradictoires et les manques dus à la profonde désorganisation de l’armée face au carnage inattendu de ces premiers jours de guerre, il n’est possible que de suggérer la suite des évènements en retenant les récits et dates qui semblent les plus cohérents.

Le capitaine François est porté disparu après avoir été blessé par balle le 1e septembre au bois de Forges près du village de Forges-sur-Meuse lors d’un bombardement ennemi.

Il a survécu suffisamment longtemps à sa blessure pour être évacué vers l’arrière en direction de Dombasles-en-Argonne. Il semble qu’il y soit bien arrivé le 2 septembre au matin. À ce moment le médecin major qui l’avait examiné dans la nuit aurait déjà déclaré que sa blessure était mortelle. Le capitaine François a été orienté vers un train sanitaire se dirigeant vers Sainte-Menehould plus à l’ouest et c’est là que l’on perd sa trace sans que son décès fasse de doute. Avec la profonde désorganisation de la retraite, le corps du capitaine est perdu et l’administration de l’armée n’accepte qu’une présomption de décès. Le capitaine François est porté disparu voire présumé prisonnier ou déserteur !

De disparu à « Mort pour la France » : le combat de sa veuve

À la mobilisation générale, Marie-Thérèse, la femme du capitaine François est restée à Lille, lieu de casernement du régiment de son mari. La ville est capturée par les troupes allemandes le 13 octobre 1914 et reste occupée jusqu’en octobre 1918. Après avoir réussi à sortir de la ville avec sa fille en décembre 1915, Marie-Thérèse parvient à retourner chez sa mère à Châtellerault où elle essaie pendant les cinq années qui suivent de faire reconnaître le décès au front de son mari. Sans emploi rémunéré, elle ne touche dès lors pour vivre que la demi-solde de son mari.

Il est « seulement » porté disparu le 1e septembre 1914, à ce titre il est présumé mort, mais pas officiellement reconnu comme tel. Son carnet militaire porte la mention « mort probablement des suites de blessures reçues le 1e sept. 1914 au bois de Forges (Meuse) ».

Sa veuve doit se battre pendant plusieurs années pour faire reconnaitre sa mort à l’ennemi, pour la mémoire de son mari, et pour pouvoir percevoir la pension à laquelle elle a droit en tant que veuve d’un chevalier de la Légion d’Honneur et que sa fille soit reconnue pupille de l’État.

Il faut attendre le 10 février 1921 pour qu’un avis de décès officiel portant la mention « Tué à l’ennemi », soit promulgué suite à un jugement du tribunal de Barbezieux en date du 8 juillet 1920 déclarant officiellement son décès.

La croix de guerre 1914-1918 lui est décernée à titre posthume. C’est une décoration militaire attribuée pour récompenser l'octroi d'une citation par le commandement militaire pour conduite exceptionnelle au cours de la Première Guerre mondiale. Sa veuve peut enfin toucher ses arriérés de pension.

Le contenu de la malle : des objets intimes

Dans la malle du capitaine François on trouve évidemment des effets militaires réglementaires, veste au numéro du 165e, képi et calot, épaulettes, insignes régimentaires…
Mais on trouve également des objets plus personnels, un nécessaire de toilette, un baume contre le rhume ou des paquets de réglisse. Aucun des effets présents ne porte l’insigne du 365e régiment. Cette malle a suivi la vie du capitaine au moins depuis son affectation au 32e régiment comme l’atteste l’étiquette présente à l’intérieur du couvercle.

Pour aller plus loin :